Vue lecture

Comme avance en âge Stephen King, songeons à Victor Hugo

Comme tout le monde, Stephen King vieillit — ce dont il s’est ouvert dernièrement, dans l’optique des livres qu’il lui reste à écrire, avant tout. Alors que ce géant de soixante-dix-huit ans songe à sa fin certaine, épée de Damoclès au-dessus de lui, il est tentant de revenir sur les raisons qui en ont fait l’un des auteurs les plus prisés du monde, démontrant le pouvoir de la littérature.

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Ça, de Stephen King : à l’origine du Mal

Presque aussi long que Le Fléau, moins disruptif, Ça (éditions Albin Michel, 1988, traduction de William Desmond) est l’autre grand livre de Stephen King et l’un de ses meilleurs. Englobant deux générations, et même plus, à la faveur de flashbacks toujours sanglants, il sonde le Mal en profondeur, les pulsions qui l’activent, liées au sexe et au pouvoir, notamment.

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Le Verdict, de Franz Kafka, traduit par Jean-Philippe Toussaint : l’éclipse du monde

Par une nouvelle version parue chez Minuit (octobre 2025), Jean-Philippe Toussaint nous offre du Verdict un texte hypnotique où sa langue redouble celle de Kafka à la faveur d’une clarté portée au carré par le jeu de la traduction, si l’on veut. Cela est d’autant plus vrai qu’à la nouvelle en question succèdent des mots de l’auteur-traducteur lui-même, en forme de commentaire lumineux.

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“Le devoir de l’écrivain est d’inventer une partie de la solution”

Publiés entre 2022 et 2024 aux éditions Fables fertiles, Monstrueuse féérie, L’Angélus des ogres et Clapotille forment un triptyque émanant d’un seul et même narrateur psychotique. Pris à divers stades de sa quête existentielle, celui-ci délire, côtoie les limites de l’imaginaire. À travers les rêves et les mots, il informe des mondes qui s’entrecroisent dangereusement, pour le meilleur et pour le pire.

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Le Monde est fatigué, de Joseph Incardona : un conte polardesque

Dans Le Monde est fatigué (Joseph Incardona, éditions Finitude, 2025), de sa seconde identité, qui est celle d’une sirène professionnelle qui fait le tour du monde en vue de fasciner, Êve part à la recherche de la vérité qui a fait basculer son existence. Matt Mauser, détective obèse qui est plus que cela pour elle, l’aide dans cette entreprise tragique, prévenant, efficace.

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Des obus, des fesses et des prothèses d’Arno Bertina : à la recherche de l’être perdu

Nous sommes au monde par nos corps et nos mots. Par les maux qui en découlent ou dont ils sont les symptômes, également. Exister, c’est être traversé par des sensations et des phrases, chercher une issue au nœud de chair et d’idées que nous sommes, indépendamment du pays qui nous voit naître. C’est d’autant plus vrai dans une ère mondialisée qu’obsèdent des rêves communs, multipliés par la magie publicitaire.

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Le Fléau, de Stephen King : dans la jungle du Bien et du Mal

Publié en 1991 aux éditions Jean-Claude Lattès dans sa version intégrale et traduit par Jean-Pierre Quijano, Le Fléau est le plus gros livre de Stephen King, juste devant Ça. Roman-monstre, roman-jungle, ses mille cinq cents pages résonnent d’une matière fictionnelle hallucinante. Un souffle d’ampleur l’anime, puissant, frappant, déprimant. 

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Simetierre, de Stephen King : la mort est noire et le désir sans fin

Quatorzième roman de Stephen King, Simetierre, publié en France en 1985 aux éditions Albin Michel et traduit par François Lasquin, est une œuvre puissante. Son magnétisme contagieux est d’une force fictionnelle stupéfiante. Impossible de ressortir indemne du voyage qu’elle propose en direction du pire au nom de la pulsion de vie.

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1Q84 : une éthique de la paix intérieure

« À l’opposé du splendide bâtiment aérien des mathématiques, le monde romanesque de Dickens représentait pour Tengo une forêt touffue et enchantée », peut-on lire dans le premier tome de 1Q84, d’Haruki Murakami (éditions Belfond, traduit du japonais par Hélène Morita). Allégorique, cette phrase vaut la peine d’être lue pleinement, en tant qu’elle recèle la vision romanesque du maître japonais en même temps qu’elle révèle une éthique de la paix relative et évolutive.

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J’écris L’Iliade, de Pierre Michon : la littérature et le Mal

Rhapsodique, picaresque, oral, oratoire et nerveux, le dernier livre de Pierre Michon, J’écris l’Iliade (Gallimard, 2025), revient doublement à l’origine du monde, en songeant à la Bible et à Gustave Courbet : au verbe, qui tisse les destinées à défaut d’engendrer les faits qui les fondent, et au sexe, les deux étant liés au désir, capital.

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Guylian Dai : accoucher du monde (en littérature)

Dans l’absolu, Souvenirs de la maison de l’aube, de Guylian Dai, publié aux éditions Fables fertiles le 11 mars 2025, peut être lu comme un roman, ou, mieux encore, comme une longue nouvelle dotée d’un prologue et d’un épilogue. Mais, au fond, il s’agit davantage d’un récit heuristique qui découvre sa vérité dans l’acte où il s’écrit, à la croisée de deux genres littéraires qu’il invoque : le théâtre et la poésie.

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Bristol, de Jean Echenoz : la vie est un songe

L’incipit du dernier roman de Jean Echenoz, Bristol (éditions de Minuit, janvier 2025), est emblématique. In medias res, il nous introduit doublement dans le livre : dans l’intrigue en même temps que dans la dimension parallèle qui l’escorte toujours chez l’auteur et qu’il ouvre à travers des jeux littéraires qui éventent le monde, le rendent à son impensable légèreté.

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1Q84, d’Haruki Murakami : le labeur ou les fées

Dans 1Q84 (éditions Belfond, 2011, traduction d’Hélène Morita avec la collaboration de Yôko Miyamoto), dès le second chapitre du livre, Tengo, un jeune écrivain, s’entretient avec Komatsu, brillant éditeur antipathique. À travers les propos tenus par ce dernier, Haruki Murakami nous livre une vision schématique de ce que serait le pouvoir romanesque, les facteurs qui le déterminent en profondeur.

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Dans le jardin de l’hôtel Dean’s, de Céline Debayle : dans la serre d’une fleur du Mal

Tout le monde ne réchappe pas des plans funestes d’un tueur en série au Pakistan. Tout le monde ne jouxte pas l’éden pour connaître l’enfer. Dans les années 1970, à vingt ans, Céline Debayle le fit, et elle raconte cette expérience traumatisante dans son dernier livre, Dans le jardin de l’hôtel Dean’s, publié le 2 janvier 2025, aux éditions Arléa.

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Haruki Murakami, une vertigineuse galaxie romanesque

PORTRAIT – Dire que le prochain roman d’Haruki Murakami, La Cité aux murs incertains (trad. Hélène Morita, Belfond, janvier 2025), est attendu en France est un euphémisme. À la faveur d’une œuvre féconde et singulière, l’écrivain japonais est devenu une figure majeure de la littérature mondiale – ce qui ne doit rien au hasard. 

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Danse, danse, danse, d’Haruki Murakami : la musique de la vie

Danse, danse, danse, d’Haruki Murakami (éditions Belfond, 2019, traduit par Corinne Atlan) est un roman patchwork aux redites obsédantes, recousu à la fin, quand la vérité tombe. Vague et désinvolte, onirique, il s’aiguise à propos, sondant les forces contraires de l’amour et de la mort à partir de personnages en marge, en butte à leur destin compulsif.

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Les Fantômes de l’Hôtel Jerome, de John Irving : l’au-delà gît dans les cœurs

Fils unique d’une mère skieuse et d’un père inconnu, Adam Brewster souhaite devenir écrivain. Cette quête de l’écriture, inséparable de celle de son père et de l’apprentissage de la vie, Adam nous la conte lui-même au gré des parents de substitution qui guident sa jeunesse, puis de ses partenaires féminines.

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Léviathan, de Paul Auster : chute libre (pavée de bonnes intentions)

C’est un texte d’abîmes. De signes et de vertiges. D’attractions physiques, d’idéaux. En miroir, Paul Auster se dédouble dans Léviathan (éditions Actes Sud, 1993, traduction de Christine Le Bœuf), jette au ciel sa part d’ange et son fond démoniaque : ce qu’il aurait pu être (Benjamin Sachs), ce qu’il est devenu, en fin de compte (Peter Aaron).

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Le corps par-dessus la tête

Paru en 2021 aux éditions Actes Sud, traduit par Sabrina Duncan, Le Silence, de Don DeLillo, suggère un drame elliptique, sans échappement possible. Roman sur rien, pièce à l’intrigue minimaliste, il met en scène cinq personnages que « l’effondrement total de tous les systèmes » plonge « [d]ans un vide qui bascule » dans le noir.

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Les Aléas de l’immortalité : le transhumanisme est une diablerie

C’est un roman d’apprentissage que nous offre Les Aléas de l’immortalité (éditions Calmann-Lévy, traduit de l’anglais par Jessica Shapiro), de Jaroslav Kalfar. La vie de son héroïne, Adéla Slavikova, est mise en perspective par elle-même pour qu’en ressorte le sens, ce qu’elle a saisi en la traversant, et au-delà même. 

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Zone base vie, de Gwenaëlle Aubry : la loi du désir

S’inspirant de La Vie mode d’emploi de Perec, Zone base vie (éditions Gallimard, 2024) est le dernier roman de Gwenaëlle Aubry. Au fil de trois saisons dramatiques (PRINTEMPS, AUTOMNE, ÉTÉ...) condensées en trois heures vues aux prismes de personnages qui hantent le même immeuble parisien, son histoire couvre les trois premières vagues de Covid qui déferlèrent en France à cette période.

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Jour de ressac : fantômiser les vivants

C’est un appel téléphonique émanant de la police qui ouvre Jour de ressac, le dernier livre de Maylis de Kerangal, publié par les éditions Verticales en 2024. Et c’est la vue d’un corps qui le clôt, sur un brancard, dans les sous-sols de la morgue de Rouen, où un flash frappe la narratrice. Entre ces bornes extrêmes, une trentaine d’heures s’écoulent au Havre et à Paris — au Havre surtout, où le corps est retrouvé, anonyme.

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