La Terre qui monte

Parfois la réalité dépasse la fiction. Alors que la sortie de Girlfriend on Mars en poche (trad. Clément Baude) était programmée pour le 20 août chez Rivages, le 18 mourrait Jean Pormanove, en direct sur internet. Jusqu’où peut-on aller pour être célèbre ou pour simplement être suivi, avoir une communauté de fans, tout plutôt que l’anonymat…
Une mère fille fantasque et une ado sérieuse, rien ne vaut les contraires pour alimenter une comédie réussie. Corinne dite « Coco », est une mère célibataire qui élève seule sa fille Kalindra dans le très chic huitième arrondissement.
Cet été, alors qu'il faisait chaud et lourd, j'ai passé quelques heures à écouter les voix de ceux qui n'ont presque jamais la parole : des personnes aux vies brisées accueillies dans un hébergement d'urgence pour sans domiciles fixes, l'Hestia, près de Périgueux. Pichelin et Troubs y ont effectué une longue résidence d'artistes de 202 à 2025 et le livre Portraits Nomades, édité par Ouïe/Dire en est le compte-rendu détaillé, mêlant portraits croqués et entretiens en roue libre.
Portrait difficile d'un meurtrier qui tua deux innocents à Dublin en 1982 : le dandy aristocratique Malcolm Macarthur voulait imiter l'IRA et préparait un braquage pour renflouer ses caisses vides. Au final, pas de braquage, mais deux morts et un gouvernement qui faillit être renversé : le ministre de la justice avait hébergé l'assassin, son ami !
Ambiance années 20 pour cette aventure aérienne de Bix et Tillie, les Bonnie and Clyde des airs. Le dessin glamour de Tula Lotay, très original, vaut à lui seul le baptême de l'air...
Dans À hue et à dia. Carnet de lectures d’un nomade sédentaire (France Univers, 2024), Philippe Pichon revendique une littérature qui brûle, qui écorche, qui n’a rien à voir avec la bienséance. L’ancien flic devenu écrivain signe un journal de lectures à la fois tendre et féroce, où il convoque Pagnol, Giono ou Calaferte, mais étrille sans pitié les gloires convenues. Entre hommage et déboulonnage, Pichon rappelle qu'« écrire est synonyme de vivre, est la vraie vie ».
Marge Nantel publie en 2022 Hors Caste, aux regrettées éditions Noir Absinthe, un récit de fantasy sombre et sans concessions réédité cette année par les éditions Mnémos. On y suit le sort de Suèhl, un Féli décasté qui tente d'échapper à la Purge, et celui de Ténèbres, qui arrive dans la ville et découvre cette pratique barbare.
Logn se sent prête à mourir. Elle a fait le tour, disons. Mais, même si l’idée reste tentante, ce ne sera pas pour aujourd’hui… « La seule chose qui m’empêche de m'endormir en me laissant bercer par les vagues est l’idée que le corps qui reposera dans mon cercueil ne sera pas celui d’une femme. Je ne mourrai que lorsque j’aurai rectifié le grand malentendu de mon existence, la plus terrible erreur qu’a commise le Créateur en me faisant naître dans le corps d’un garçon. » Alors, poussée à la patience, Logn rentre chez elle.
L'histoire tourmentée de la Corée à travers l'histoire d'une femme insaisissable aux multiples noms et visages : un parcours horrifique et incroyable. Mon premier gros coup de cœur de cette rentrée littéraire 2025. Mirinae Lee est née en Corée du Sud et vit aujourd’hui à Hong Kong. Son premier roman, Les 8 vies d'une mangeuse de terre, s’inspire - très librement - du parcours de de sa grand-tante qui, comme la femme du roman, a réussi à fuir la Corée du Nord. La traduction de l'anglais (Corée) est signée par Lou Gonse.
Coup de cœur pour la plume de Laurence Cossé, vive, riche, enjouée, trempée dans l'ironie et la dérision. Elle arrive à nous captiver et nous intéresser à un sujet aussi ennuyeux et rébarbatif que la construction d'un immeuble de bureaux.
Après la mort de sa fille en pleine enfance, Rose se retrouve attachée à une longe, en altitude. Dans la nuit d’un chalet où elle est cloîtrée, son passé remonte au-delà d’elle-même pour éclairer la crise où elle est plongée.
Connaissez-vous Georges Charles Huysmans ? Pas sûr que vous retrouviez dans les Lagarde et Michard l’auteur d’À rebours ou d’En route, l’histoire littéraire française l’a tout simplement oublié. Pourtant, ce défenseur de Zola et du naturalisme à ses débuts, a côtoyé le milieu littéraire et les peintres de la fin du XIXe : Mallarmé, Verlaine, les frères Goncourt, Paul Valéry, a admiré Odilon Redon.
Publié en 2007 en Estonie et traduit en français en 2013 (Jean-Pierre Minaudier), @d'Andrus Kivirähk est un récit à la croisée entre le conte satirique moderne et la fable mythologqiue se déroulant dans un Moyen-Âge imaginaire de l'Estonie.
James est curieux, avide d’apprendre. Amoureux des mots, philosophe à ses heures perdues, James est surtout un esclave. Capable de lire et d’écrire, il se démarque – mais jamais en présence d’un Blanc, jamais lorsque ses connaissances pourraient lui porter préjudice.
Le Grand-Est Sibérien. Ses paysages de neige et de désolation. Un froid extrême, cruel, qui glace l’air au creux des poumons. C’est en ce lieu reculé que Staline fit construire les plus ignobles camps du Goulag, dans les années 1930.
Trois portraits, très parisiens, croqués juste avant la fin du monde, à l'heure où remontent les souvenirs, viennent les regrets et tombent les masques.
Un très beau récit de souvenirs d'enfance et d'adolescence, que l'on imagine en bonne partie autobiographiques. La prose de cet auteur est aussi lumineuse que ses personnages.
Second épisode du feuilleton littéraire dérivé de la fameuse série tv Le Bureau des Légendes. Une aventure très réussie où Thomas Cantaloube, très documenté comme d'habitude, porte un regard un peu nouveau sur cet Iran qui est toujours, hélas, au cœur de l'actualité.
Stu Mead est un artiste à part (comme le sont beaucoup d’artistes), un peintre aux thématiques parfois sulfureuses (mais pas toujours), exposé dans des galeries et musées du monde entier et publié dans de nombreuses et prestigieuses revues sur l’art. Après une polémique liée à l’exposition de son travail par les éditions Le dernier cri en 2015 (qui s’est soldée par un non-lieu devant les tribunaux), il revient avec un petit recueil de ses peintures publié aux éditions Or Bor.
Ce nouveau livre de Pierre Perrin compile chroniques, nouvelles, articles et Journal. La table des chapitres est éloquente : Qu’est-ce que vivre ? Le point d’amour – La maladie humaine – La politique organise une société – Libérons les esprits – Le sacré, la religion – Vivre s’apprend pas à pas – Qu’est-ce que la culture ? - Dissipation du goût – Littérature en sachet – L’exactitude en lambeaux – Seul le silence aide à tenir parole – Qu’opposer à des crécelles ? Ce qu’il nous reste d’âme. Chacun de ces titres, magnifiques, pourrait constituer un titre de roman.
Dans Le Monde est fatigué (Joseph Incardona, éditions Finitude, 2025), de sa seconde identité, qui est celle d’une sirène professionnelle qui fait le tour du monde en vue de fasciner, Êve part à la recherche de la vérité qui a fait basculer son existence. Matt Mauser, détective obèse qui est plus que cela pour elle, l’aide dans cette entreprise tragique, prévenant, efficace.
On connaît Frank Herbert comme l'auteur visionnaire de Dune (trad. Michel Demuth), un monument de la hard science-fiction. Mais avant le désert et ses intrigues impériales, il y a eu la jungle amazonienne. La Chute des anges (trad. Fabien Le Roy), écrit en 1957 et resté inédit jusqu'à sa publication posthume, nous plonge dans un tout autre univers : celui de l'aventure exotique, avec ses périls naturels et humains.
Dans Sans excuse, Christian Brûlard dissèque avec une précision d’entomologiste l’anatomie d’une humiliation enfantine et ses prolongements souterrains. Fabien, bientôt douze ans, reçoit une gifle qui devient le moteur d’une métamorphose – physique, morale, et rancunière. En restituant la banalité crue des rapports familiaux, l’auteur rejoint une longue tradition littéraire qui interroge l’enfance blessée, de Jules Vallès à Annie Ernaux.
Dans Le palmier, Valentine Goby recompose l’enfance à travers une matière sensorielle dense, où la nature et le langage deviennent les outils d’une archéologie intime. Un roman lumineux en apparence, mais traversé de failles profondes.
Loris Chavanette, historien et romancier, nous livre son second roman, Le concours de pêche, publié chez Allary Éditions. De cet auteur, je ne connaissais jusqu’ici que les ouvrages d’Histoire (parmi les derniers : Danton et Robespierre chez Passés Composés, Le 14 juillet de Mirabeau chez Tallandier et La tentation du désespoir chez Plon), livres que j’ai toujours trouvés passionnants.
Ethel Aden est pianiste. Dotée d’un talent indéniable, acclamée par la foule à chaque représentation, elle semble n’avoir connu que les touches noires et blanches du clavier. La musique est une évidence, un langage qu’elle parle avec la plus grande aise – aussi naturellement qu’elle respire. Après des décennies de concerts et de tournées, une chose est certaine : elle abhorre les répétitions.
Il y a ce vertige. Celui du vide, de l’insondable, du cosmos qui vous engloutit. C’est précisément ce vertige que fait écho la série What If…? Galactus (2025, Panini, trad. Laurence Belingard), une déclinaison audacieuse de l’univers Marvel. Ici, cinq héros très distincts se transforment en hérauts pour le Dévoreur de Mondes, porteurs d’un fragment de sa nature titanesque et tragique.
Le premier territoire de sa naissance est celui des sons, de la musicalité des mots. Habiter une langue, c’est vivre son identité, on habite en enfance dans une langue maternelle avant d’habiter un pays. Nassera Tamer dans Allô la Place, tente de réapprendre la langue de ses parents pour se rapprocher d’eux, mais difficile de renouer quand on a peu de choses à se dire.
Au moment où l’enseignement du latin est plus que malmené, du collège à l’université, Gérard Salamon, maître de conférences désormais à la retraite, publie un ouvrage autobiographique revigorant.
Nous sommes la veille du concert de l’harmonie municipale. Quelques décorations de Noël et loupiotes sont disposées dans la mairie, effort pour faire place aux fêtes de fin d’années. Monsieur le maire a une annonce à faire, pour le moins surprenante : « Nos morts, on ne sait plus où les mettre. Le cimetière est plein ». Alors, c’est officiel. Comme le cimetière n’est pas extensible et qu’il n’y a pas moyen de faire de la place… Eh bien, cette année, il faudrait que personne dans le village ne meure.
Grégory Le Floch explore les replis les plus sombres de l’adolescence et les reliefs d’une montagne qui gronde autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de soi. Mais si le texte séduit par la rudesse de son décor et la sincérité de sa voix, il trébuche parfois sur son propre trop-plein.
À la fin du XIXe siècle, une famille de clowns-acrobates, la famille Helquin, se transforme tous les soirs en monstres de scène. Lorsque le dernier des quatre frères disparaît, la vie de chacun d’entre eux se renverse, et Thalia, qui désespérait de devoir continuer à vivre ainsi commence à s’autoriser à agir différemment, à penser différemment de ses frères. Elle sombre alors dans le rêve d’une autre vie.
Pierre Chavagné c'est le nature writing à la française sur fond de survivalisme, et Abena pourrait bien être la digne fille de La femme paradis.