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Orientations générales de la Politique documentaire : proposition de trame

Pile de galets sur une étendue de galets.
Photo de Markus Spiske sur Unsplash

La formalisation de nos acquisitions s’est installé dans préoccupations professionnelles depuis de nombreuses années, en se cristallisant autour des inquiétudes d’une intervention de nos décideurs (élus, hiérarchie) soit en imposant des documents soit en interdisant des documents. Il est alors apparu important d’expliquer le pourquoi du comment de nos choix et de nos modalités d’acquisition. Bertrand Calenge et Jérôme Pouchol ont apporté tout à la fois des éléments de réflexion et de mise en oeuvre des politiques documentaires des bibliothèques.

Comme le dit très bien Dominique Lahary (diaporama) : “c’est une politique publique, il est démocratique qu’elle soit publique”. Cependant l’intégration et la réelle formalisation dans les bibliothèques prennent du temps même si cette culture est maintenant bien ancrée et fait partie des différents cursus de formation. L’article 7 de la Loi Sylvie Robert est venu enfoncer le clou

Après avoir rappeler l’importance de formaliser les orientations générales, vous trouverez une proposition de trame pour un tel document. Elle complète la fiche de la commission Bibliothèques en réseau et s’inspire d’un document de la Médiathèque de Chateaubourg.

Perspective avec plusieurs rayonnages de livres dans une ambiance sombre
Photo de Martin Adams sur Unsplash

Pourquoi formaliser les orientations générales de la Politique documentaire ?

  • Tout d’abord c’est devenu une obligation légale avec l’entrée en vigueur de la Loi Sylvie Robert, LOI n° 2021-1717 du 21 décembre 2021 relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique: « Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements élaborent les orientations générales de leur politique documentaire, qu’elles présentent devant l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement et qu’elles actualisent régulièrement.  Elles présentent également leurs partenariats avec les organismes culturels, éducatifs et sociaux, les établissements pénitentiaires et les établissements d’accueil de la petite enfance. La présentation peut être suivie d’un vote de l’organe délibérant. »
  • « C’est une politique publique dont il est normal qu’elle soit portée à la connaissance du public dans ses grands principes » (Dominique Lahary)
  • « C’est une démarche partagée entre professionnels avec les décideurs et le public qui rend visible les orientations de la bibliothèque dans ce domaine » (Jérôme Pouchol)
  • Cette formalisation met en avant notre métier et notre professionnalisme
  • Cette formalisation et sa publication permettre de rendre public les grandes lignes du fonctionnement d’une des activités importantes des bibliothèques.
  • Formaliser, faire adopter ces orientations générales par les élus et les faire connaître constitueront un garde fou contre les questions, les interventions internes et toutes les tentatives de censure

Les rubriques d’un tel document

Voici la trame globale d’un document consacré aux orientations générales de la politiques documentaires. A vous de l’adapter, le simplifier ou le développer en fonction de VOTRE contexte.

Vous trouverez plus bas la présentation détaillée de cette trame. Vous pouvez télécharger ci-dessous une version word à adapter.

Main cochant un liste de taches sur un cahier à carreaux
Photo de Glenn Carstens-Peters sur Unsplash

Préambule – Introduction

  • Pourquoi
  • lien avec la loi S. Robert (cf. ci-dessus)

Contexte

  • Eléments sur le contexte territorial
  • exemple à compléter

Les missions de la bibliothèque

  • Faire référence aux articles de la loi Robert (article 1 et les articles sur les collections)

“Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ont pour missions de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ainsi que de favoriser le développement de la lecture.

À ce titre, elles :

« 1° Constituent, conservent et communiquent des collections de documents et d’objets, définies à l’article 4, sous forme physique ou numérique ; »

« 2° Conçoivent et mettent en œuvre des services, des activités et des outils associés à leurs missions ou à leurs collections. Elles en facilitent l’accès aux personnes en situation de handicap. Elles contribuent à la réduction de l’illettrisme et de l’illectronisme. Par leur action de médiation, elles garantissent la participation et la diversification des publics et l’exercice de leurs droits culturels ; » (Article 1 de la Loi Sylvie Robert)

“Les collections des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements sont constituées de livres et des autres documents et objets nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, tels que des documents sonores et audiovisuels.”(Article 4 de la Loi Sylvie Robert)

“Les collections des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements sont pluralistes et diversifiées. Elles représentent, chacune à son niveau ou dans sa spécialité, la multiplicité des connaissances, des courants d’idées et d’opinions et des productions éditoriales. Elles doivent être exemptes de toutes formes de censure idéologique, politique ou religieuse ou de pressions commerciales. Elles sont rendues accessibles à tout public, sur place ou à distance.”(Article 5 de la Loi Sylvie Robert)

  • Reprendre, le cas échéant, certains axes du CTL, PCSES ou du Projet de service

Les publics visés

  • Lister les différents types de publics
Groupe de jeunes assis à une table dans une bibliothèque. Ils rient devant un écran d'ordinateur portable
Photo de Priscilla Du Preez 🇨🇦 sur Unsplash

La gestion des collections

quelle organisation des collections ?

  • Volumétrie, répartition par grands secteurs. Type de supports
  • Existence de fonds spécifiques: FAL (Facile A Lire), fonds pour les dyslexiques, fonds patrimonial,…

Pluralisme et rappel de l’article de la Loi Robert

« Ces missions s’exercent dans le respect des principes de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, d’égalité d’accès au service public et de mutabilité et de neutralité du service public.” (Article 1 de la Loi Sylvie Robert)

Modalités d’acquisition

  • Expliciter comment sont achetés les documents
  • Définition des responsabilités en terme d’acquisitions
  • Budget et taux de renouvellement. Indiquer un idéal de renouvellement (10%)

“Les collections des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements qui relèvent du domaine privé mobilier de la personne publique propriétaire sont régulièrement renouvelées et actualisées. “(article 6 de la Loi Sylvie Robert)

Pour ses achats de documents la bibliothèque se conforme à la réglementation sur les marchés publics, et commande auprès des fournisseurs retenus dans ce cadre.

  • Critères généraux de choix et d’exclusion

« Sous la responsabilité de leur direction, les bibliothécaires acquéreurs opèrent une sélection dans la production éditoriale pour constituer une collection cohérente en fonction des objectifs et des moyens fixés par la collectivité. Pour des raisons financières et intellectuelles, l’exhaustivité est exclue. La mission d’acquisition est menée sur la base d’un travail réfléchi et collectif, dans un souci de pluralisme, en tenant compte des collections déjà existantes, de la connaissance des publics, de l’offre et la demande. Elle tient compte également du soutien à la petite édition et aux documents à rotation plus lente, tel que la poésie, théâtre, arts, sciences humaines…. » (Chateaubourg)

  • Traitement des suggestions des usagers

Les propositions d’achat des lecteurs sont toutes étudiées. Le cas échéant indiquer comment ils peuvent le faire. Les bibliothécaires se réservent le droit de refuser une suggestion s’ils estiment que l’achat ne correspond pas aux critères définis par la charte. Dans un souci de cohérence et d’actualité des collections, la bibliothèque refuse tous dons de livres ne répondant pas aux critères de sélection énoncés. Les usagers dont les ouvrages ne sont pas retenus seront réorientés vers des solutions alternatives (boites à livres, associations,…)

  • Complémentarité avec l’environnement documentaire territorial

La politique documentaire est aussi pensée en fonction de l’environnement. La bibliothèque fait partie du réseau de la communauté des communes de Pétaouchnoc-les-Bains. Elle s’insère également dans le champ d’action de la Médiathèque départementale qui peut concourir, entre autres services, à compléter les collections notamment pour des demandes de lecteurs, de groupes, de thématiques, d’animations, pour les fonds musique et jeux vidéo. La Médiathèque départementale fournit également aux lecteurs des ressources accessibles en ligne.

  • Contraintes légales pour les acquisitions notamment pour les DVD et les ressources numériques
Etudiante choisissant un livre dans des rayonnages en bois
Photo de Becca Tapert sur Unsplash

Règles générales d’élimination (et de conservation)

Expliquer pourquoi les documents sont éliminés.

  • La médiathèque n’a pas vocation à conserver les collections courantes. Afin de garder un fonds vivant, attractif et aisément accessible. Des documents doivent être retirés chaque année des collections pour être soit réactualisés, soit remplacés, soit éliminés.
  • Les règles d’élimination pourront être différentes selon le type de documents et selon votre appartenance à un réseau.
  • Un 1er niveau d’élimination concerne les documents abîmés et non réparables, défraîchis, ou au contenu dépassé. Ces documents seront automatiquement retirés des collections.
  • Un 2e niveau d’élimination croisera plusieurs critères quantitatifs et qualitatifs : âge des documents, nombre de prêt, date de dernier prêt, présence d’autres ouvrages similaires. Des exceptions peuvent bien sûr être admises concernant des ouvrages incontournables et difficiles à remplacer par exemple. Les bibliothécaires s’appuient sur un document interne comportant des critères affinés par secteurs et sous-secteurs.

Qu’est-ce qu’ils deviennent ?

  • donnés à d’autres bibliothèques, établissements ou associations
  • vendus lors de braderies organisées par la médiathèque
  • mis en déchetterie ou détruits s’ils sont jugés en mauvais état
  • si vous êtes une bibliothèque avec un fonds patrimonial, expliquer pourquoi et comment sont conserver les fonds patrimoniaux.

Accès, communication et médiation

Vu en plongée d'une salle de bibliothèque tout en bois, des livres, des cartes et deux personnes assises en train de lire
Photo de Pauline Loroy sur Unsplash

Accès

L’accès aux espaces publics de la médiathèque, ainsi qu’à la consultation sur place de ses ressources, est libre et gratuit. La médiathèque respecte les normes d’accessibilité pour tous au bâtiment, aux circulations intérieures, aux collections et aux services.

Accès à distance

Les usagers peuvent librement accéder au catalogue en ligne à distance ainsi qu’aux ressources numériques de la médiathèque départementale Un portage à domicile peut être effectué pour des personnes ayant des difficultés à se déplacer. Le réseau de XXX mettra en place un système de navettes permettant la circulation des documents d’une bibliothèque à une autre.

Modalités d’organisation et de communication des documents

La plupart des documents sont proposés en accès libre et en prêt direct au public.

Médiation

Les bibliothécaires conseillent, effectuent des recherchent et accompagnent les lecteurs.

Les bibliothécaires mettent en valeur les collections de multiples manières.

Sur place:

  • de face dans les rayonnages
  • sur des présentoirs à différents endroits dans la bibliothèque
  • par des tables de thématiques (sélections, actualités, thématiques)
  • avec des étiquettes « coup de coeur » de l’équipe ou des lecteurs
  • avec des bibliographies : acquisitions récentes, thématiques
Table sur laquelle sont posés des albums pour enfants
Photo de Haberdoedas sur Unsplash

A distance:

  • sur le site internet grâce à différentes rubriques : nouveautés, sélections, coups de coeur
  • sur les réseaux sociaux en utilisant différentes approches : des sélections thématiques, les nouveautés, les coups de coeur

Le public est invité à participer à partager ses coups de coeur. La bibliothèque met d’une part en valeur les sélections du club lecture et propose d’autre par des étiquettes “coups de coeur des lecteurs”.

Les partenariats

La médiathèque développe des partenariats variés afin de développer le goût de la lecture, faire connaître le service, de diversifier le public et répondre aux besoins du territoire.

Ses partenaires font partie de champs aussi variés que possible des structures locales de la petite enfance aux musées en passant par les écoles, les associations locales, le Centre Culturel d’Action Social, Pôle Emploi, les MJC, les cinémas ou les théâtres. Ces partenariats peuvent s’établir de manière pérenne ou ponctuels, et peuvent donner lieu à une convention.

Photo de Chris Liverani sur Unsplash

Actualisation

Cette charte sera actualisé régulièrement selon l’évolution de l’organisation du service et de ses finalités.

Qu’en pensez-vous ? Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Avez-vous un document à partager avec les collègues ?

Promouvoir un imaginaire où nous respectons la planète et l’espace que nous partageons

Vue en contre-plongée de plusieurs cimes d'arbres.
Photo de kazuend sur Unsplash

Les rapports scientifiques et la multiplication des déréglements du climat confirment qu’il est urgent d’agir pour préserver notre avenir. Nous connaissons déjà les différents leviers d’action dans le domaine de la mobilité, de l’alimentation, du logement, etc… Les bibliothèques peuvent continuer à faire preuve de pédagogie et aussi donner l’exemple grâce aux acquisitions, à l’action culturelle ou avec des jardins partagés, du compost dans la bibliothèque, etc…

Cependant il y a aussi un enjeu d’imaginaire à transformer. En effet nous baignons dans un univers où exploiter la nature est normal, où acheter un SUV ou bien construire une piscine sont des signes de réussite sociale ou accumuler des objets inutiles est bien vu. Or, pour construire un futur qui ne détruise plus la planète par un développement sans fin dans un monde fini, il est crucial d’envisager un autre rapport à notre environnement et d’autres marqueurs sociaux positifs. Pour cela, la fiction et l’art ont un rôle à jouer pour nous aider à s’approprier d’autres perspectives et trouver désirables et joyeux un monde où l’on se contente de peu. Un monde où les liens sont plus importants que les biens. Un monde où posséder les derniers objets à la mode n’est pas valoriser. Un monde où préférer prendre des modes de transport doux plutôt que l’avion ne fait pas peser sur vous le risque d’un licenciement.

“Repenser à ces films sous cet angle, c’est commencer à envisager des potentialités immenses pour que le cinéma, au lieu de reconduire les rapports au monde qui le détruisent, participe de l’élaboration de nouvelles sensibilités sans lesquelles il sera impossible de modifier en profondeur les façons d’habiter le monde.” Jean-Michel Frodon https://aoc.media/opinion/2023/08/28/pour-une-eco-mise-en-scene/

Les bibliothèques peuvent-elles s’inscrirent dans cette perspective ? Dans une politique d’acquisition et d’actions culturelles restant pluralistes, valoriser ou privilégier davantage des documents, des spectacles, des conférences, des ateliers, ou autres qui ouvrent vers des horizons où vivre différemment, sans croissance, est possible. Nous n’aurons de tout façon pas de difficulté à respecter le pluralisme car les publications autour du modèle extractiviste existeront toujours. Pas d’inquiétudes à avoir de ce coté-là.

S’engager en faveur de la survie de l’humanité au sein d’une nature préservée est politique ? Est-ce un engagement partisan pour autant ? Il ne s’agit pas d’inciter le public à voter en faveur de tel ou tel parti, il s’agit d’une cause politique plus large.

Prêt à faire lire, écouter, voir, jouer… dans un monde où nous sommes en harmonie avec la nature ?

Pour une définition plus longue et plus développée de la politique documentaire

Pyramide de livres avec un cercle vide au milieu. Dans ce cercle flotte un livre ouvert. Ambiance sombre avc une perspective de rayonnages de livres derrière le livre flottant.
Photo de Jaredd Craig sur Unsplash

La politique documentaire bénéficie de deux définitions

La notion de politique documentaire bénéfice de deux définitions proches et complémentaires grâce à B. Calenge et J. Pouchol.

Bertrand Calenge propose la définition suivante :

La politique documentaire recouvre au sein d’une bibliothèque l’ensemble des processus visant à contrôler le développement des collections. Elle recouvre la politique d’acquisition, la politique de conservation (incluant le désherbage) et la politique d’accès (incluant les modalités d’organisation et  de communication des collections).

Jérôme Pouchol donne une définition proche :

Politique documentaire : Ensemble des objectifs et processus pilotant la gestion de l’information, incluant la politique d’acquisition, la politique de conservation et la politique de médiation des collections. La politique documentaire est une partie intégrante et essentielle du projet d’établissement, permettant de répondre aux missions de la structure et aux attentes des usagers.

Ces deux définitions sont concises et transcrivent l’essentiel. Cependant, il me semble utile de les développer un peu pour mieux en appréhender les différents aspects. Pour cette proposition plus longue, je suis partie de la réponse de ChatGPT, très marquée par une vision anglo-saxonne, que j’ai adapté et précisé.

Sur une table en bois, pile de livres avec une pomme dessus, des crayons de couleurs et trois petits cubes A, B, C l'un sur l'autre.
Photo de Element5 Digital sur Unsplash

Esquisse d’une définition plus longue et plus développée de la politique documentaire

La politique documentaire en bibliothèque est un ensemble de lignes directrices, de stratégies et de procédures mises en place pour gérer, développer, valoriser et promouvoir la collection de documents, et aujourd’hui d’objets, d’une bibliothèque. Elle vise à répondre aux besoins et aux attentes du territoire desservi par la bibliothèque, tout en optimisant l’utilisation des ressources financières et humaines disponibles.

Elle est régulièrement révisée pour s’adapter aux évolutions des besoins du territoire et des ressources disponibles. Elle joue un rôle essentiel pour développer une bibliothèque dynamique et en phase avec les attentes de ses utilisateurs existants ou potentiels.

En plus de la sélection et de l’acquisition de nouveaux documents, ainsi que de le désherbage des documents obsolètes ou peu utilisés, la politique documentaire englobe la gestion des abonnements aux périodiques, la conservation des documents fragiles ou rares, la gestion des formats numériques, et la valorisation des acquisitions auprès de tous les publics.

Cette valorisation peut prendre diverses formes, telles que des expositions, des ateliers, des recommandations personnalisées, des guides de lecture, des présentations en ligne, et d’autres initiatives visant à mettre en valeur les ressources disponibles et à encourager leur utilisation.

Pensons à la participation des usagers à la politique documentaire

Dans le droit fil des droits culturels, il semblerait pertinent de consolider le versant participation, co-construction voire co-décision des politiques documentaires. J’y reviendrais dans un prochain texte.

Accueillir les nouveaux inscrits par un email de bienvenue

«   Nos lecteurs ne savent pas utiliser notre site ou notre portail, quel dommage » entend-on régulièrement dans la bouche des bibliothécaires.

Femme se tenant la tête à deux mains devant un ordinateur portable.
Photo de Elisa Ventur sur Unsplash

Il nous faut bien sûr continuer à améliorer l’ergonomie des sites web et prendre le temps de faire une présentation du site au moment de l’inscription. Certains collègues le font déjà.

Après l’inscription, pourquoi ne pas envoyer un email de bienvenue ?

Cependant il me semble que nous loupons aussi une étape, c’est un email de bienvenue suite à l’inscription (pour les lecteurs qui ont accepté de nous donner leur adresse mail).

Cet email viendrait comme une confirmation de l’inscription et une invitation à utiliser les services en ligne. Une approche ludique et vivante devrait être trouvée avec des images, des animations voire des vidéos.

Je vous propose quelques idées pour les contenus d’un tel email:

  • accueil et présentation amusante des services du portail: animations, vidéos, strip BD
  • une vidéo du maire ou de l’élu à la culture – le directeur ou un bibliothécaire pour accueillir le nouvel inscrit. (maximum 1m30)
  • la liste des meilleurs prêts et-ou des 10 dernières nouveautés
  • un cadeau avec un livre epub ou pdf joint. Pourquoi pas un auteur du fonds local en négociant les droits avec lui ? Cela peut être une publication de la bibliothèque, si par exemple vous faites un concours d’écriture. Sinon un livre libre de droit peut aussi convenir. Ce livre numérique en cadeau matérialise aussi plus concrètement l’offre de ressources en ligne. Cela la rend plus concrète.
  • la présentation de 3 prochains événements de la bibliothèque
  • … à compléter sans faire un email trop long non plus
Trois ballons jaunes avec des yeux et un sourire
Photo de Tim Mossholder sur Unsplash

Et en conclusion, affirmer en plus notre disponibilité: n’hésitez pas à nous poser des questions !

Ce mail de bienvenu pourrait se conclure en invitation les lecteurs à ne pas hésiter à poser des questions ou demander des suggestions de lectures aux bibliothécaires via un email ou lors de leur passage à la bibliothèque.

Qu’en pensez-vous ? D’autres approches ou d’autres idées ? Vous le faites déjà ?

Ralentir l’action culturelle en bibliothèques

Garage avec plusieurs instruments de musique plus ou mois éclairés.
Photo de John Matychuk sur Unsplash

« c’est un infini en intensité et non en extension qu’il s’agit d’inventer »

Alexandre Monnin et Nathan Ben Kemoun : La sobriété comme suffisance intensive, l’exemple de la musique – La musique en mouvements

Enjeux d’un ralentissement de l’action culturelle

La réduction plus ou moins importante des budgets ou du temps disponible en interne pour mener des projets alliée à la prise en compte des enjeux écologiques engagent les bibliothèques à repenser aussi la place de l’action culturelle.

Faire venir de très loin, même en train, certains artistes pour une ou deux soirées posent aujourd’hui question. Enchaîner les expositions ou certaines propositions, pour remplir une saison culturelle et essayer de faire du chiffre, doivent aussi être interroger en terme d’impacts sur le territoire et les habitants.

Élargir vraiment les publics de l’action culturelle, au-delà des multi-pratiquants (qui fréquentent intensément tous les lieux culturels) et des convaincus (sur une forme, comme les accros au conte, sur une thématique, comme les écologistes convaincus) demande une approche globale et du temps long.

Si les bibliothèques veulent aller davantage vers les droits culturels et la co-construction (avec les partenaires et-ou avec le public), il est urgent de ralentir et de prendre le temps de repenser le projet culturel et les méthodes pour le mettre en œuvre.

Ralentir pour approfondir les projets

Comme le souligne fort justement le compte-rendu du Forum Bis:

  • Ralentir faciliterait la coopération et la coconstruction des projets culturels et artistiques.
  • Ralentir permettrait une meilleure articulation des projets culturels aux enjeux écologiques.
  • Ralentir participerait à la qualité des projets culturels et artistiques. Il permettrait plus de créativité, un meilleur accueil des équipes artistiques et des publics, plus de temps pour la rencontre, pour la médiation.
  • Ralentir offrirait une meilleure qualité de vie, plus de confort, de sérénité, de sécurité, de santé au travail. Il ne s’agit pas seulement de faire mieux, mais d’être mieux.
Montgolfière sur un ciel rosé.
Photo de Dzmitry Tselabionak sur Unsplash

Prélude au ralentissement: réfléchir en interne

Les bibliothèques ont tout intérêt à bifurquer dans cette direction commençant par un temps de la réflexion en interne. Vous pouvez d’ailleurs vous inspirer de l’atelier utilisé lors du Forum Bis (voir en annexe du document)

Les objectifs de l’atelier étaient les suivants:

  • Mettre en débat le sujet du renoncement
  • Permettre à un groupe de pouvoir discuter et partager des idées autour de ce sujet
  • Identifier les axes à explorer en lien avec le renoncement

Trois étapes pour ce formation d’atelier participatif type World Café:

  • Premièrement : Que pourrait-on faire moins ?
  • Deuxièmement : Que gagnerait-on à faire moins ?
  • Troisièmement : De quoi aurions-nous besoin pour faire moins ?

Quelques pistes de travail pour ralentir l’action culturelle

Pour conclure provisoirement le sujet, voici des premières pistes de travail et de réflexion:

  • travailler avec des articles locaux sur des pratiques artistiques sur le long terme
  • amplifier les démarches de co-construction et d’implication des usagers autour de leur talent ou de leur passion.
  • faire venir pour un temps plus long des artistes venant de loin pour des rencontres, des ateliers et de la médiation dans différents lieux et situations
  • prendre le temps de rendre les projets adaptés au territoire et aux habitants
  • prendre le temps de donner envie de venir, de participer ou de s’impliquer.

D’autres idées ? D’autres envies ?

Penser comme un donut

Préserver la planète et prendre soin de nous implique de réduire tous nos impacts sur l’environnement et de se soucier de l’équité sociale.

Thimothée Parrique explique en détail dans son essai Ralentir ou périr que la croissance n’éradique plus la pauvreté, ne réduit plus les inégalités, ne diminue plus le chômage, n’est pas nécessaire pour financer les budgets publics, et a perdu toute corrélation avec la qualité de vie.

La « théorie du donut » de Kate Raworth donne une bonne représentation visuelle de la manière dont il faut penser notre rapport à la planète: il faut ramener tout ce qui dépasse en rouge dans la zone verte.

Image comportant plusieurs cercles, de l'extérieur vers l'intérieur: les risques liés à l'environnement, le plafond environnemental, l'espace sûr et juste pour l'humanité, le plancher social et les différentes catégories de la vie réliées aux enjeux environnementaux.

Ce schéma du donut permet, à mon sens d’avoir une vision claire des enjeux sociaux, économiques et politiques en lien avec la transition écologique.

“Entre un plancher social qui protège contre les privations humaines critiques et un plafond environnemental qui permet d’éviter le dépassement des seuils naturels critiques, on trouve un espace sûr et juste pour l’humanité – qui a la forme d’un donut (ou, si vous préférez, un pneu, un bagel ou une bouée). Il s’agit de l’espace dans lequel tant le bien-être humain que le bien-être planétaire sont assurés et leur interdépendance respectée.”

Pour aller plus loin, vous pouvez lire ici une présentation synthétique de cette théorie par l’ONG Oxfam.

La décroissance n’est pas un gros mot mais une étape nécessaire pour inverser notre tendance actuelle à détruire la planète à cause d’une croissance à tout prix avant d’adopter un modèle économique capable d’allier préservation de l’environnement et satisfaction des besoins essentiels.

Et si comme le dis si bien l’économiste dans une interview sur BonPote:

« On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste ».

Ralentir plutôt qu’accélérer sans cesse.

Transmettez, débattez de cette approche autour de vous et lisez le livre de Thimothé Parrique !

Bibliothécaires : faites de l’écologie au quotidien !

Tag "A bicyclette, c'est chouette!" sur

Proposer des livres et des animations sur l’écologie sont déjà des actions importantes mais comment les bibliothèques peuvent accentuer leur contribution à la lutte contre le changement climatique ? Comment sensibiliser au quotidien les usagers ?

Pourquoi ne pas utiliser par exemple un panneau d’affichage, ou autre solution équivalente expliquant un des bons gestes ou une action positive à réaliser ?

Il s’agit à la fois de faire réfléchir et de montrer les alternatives permettant de préserver la planète:

  • Une bouteille plastique = NON vs Une gourde = OUI. Info sur les bouteilles plastiques
  • Est-ce que vous coupez l’eau du robinet pendant que vous vous brosser les dents ? – Info : un robinet qui coule pendant 2 minutes c’est 25 litres d’eau gaspillés soit 10 000 litres perdus en un an. Variante possible avec la douche pour se savonner.
Tableau illustré de correspondance entre la fabrication d'un produit et sa consommation d'eau. Exemple: 1 jean c'est 11 000 litres d'eau
source Wedemain
  • Besoin d’un vêtement, d’un objet de décoration, d’un nouvel appareil électroménager ? Et si vous achetiez d’occasion ? + liste des lieux proches où acheter d’occasion et quelques sites ou applications web.
  • Vous aimez les yaourts, apprenez à les fabriquer vous-même : recette + photo du livre où trouver des recettes et sites web
  • La majorité des éponges du commerce contient du plastique, qui se disperse dans l’eau à chaque vaisselle, micro-plastique mangé par les animaux… que nous mangeons. En alternative, vous pouvez fabriquer des tawashis (éponges lavable): mode d’emploi + prêt du matériel permettant de les faire + photo du livre
  • Quand vous achetez un gel douche ou une bouteille de shampoing, vous achetez une majorité d’eau dans une bouteille plastique. En alternative, vous pouvez privilégier les versions solides où vous avez 100% de produits actifs.


L’idée dans cette démarche de sensibilisation est de proposer immédiatement une solution prête à l’emploi et de renvoyer dans un second temps vers un atelier réalisé à la bibliothèque, un livre ou un site web.

L’enjeu est de montrer que certains gestes sont faciles ou pas très compliqué et qu’ils peuvent s’y mettre rapidement.

Cela permet de faire infuser dans la tête de tout un chacun qu’il faut changer nos modes de vie et de consommation, que cela n’est pas si compliqué et que cela peut même être sympa.

D’autres idées pour sensibiliser au quotidien les usagers ?

Transition écologique en bibliothèque : faire notre révolution copernicienne

Photo d’Alan Rodriguez on Unsplash

Les rapports du GIEC (voir cette synthèse parmi d’autres) et la multiplication des publications (livres et films documentaires) nous ont alertés et plus que sensibiliser à la question du changement climatique, essentiellement un réchauffement.

Les bibliothèques se sont plutôt bien emparées du sujet en achetant des livres, en initiant des actions vertueuses (fin des gobelets en plastique, tote bag, …), en programmant des expositions, des conférences ou des rencontres, et même en interrogeant le travail interne.

Les événements de l’été et l’entrée plus prégnante de cette question dans l’agenda politique national ou local nous engagent à passer la vitesse supérieure.

À cet égard, il me semble que TOUT doit être (re)pensé en utilisant les prismes suivants : limiter notre impact sur la planète, favoriser la biodiversité et “réencastrer l’humain dans la nature” comme le dit Dominique Méda (revue We Demain n°39)

Il ne s’agit pas seulement de renforcer nos actions voire d’en déployer de nouvelles pour informer, sensibiliser et induire de nouveaux comportements auprès des habitants de nos territoires. Il ne s’agit pas uniquement d’être plus vertueux en interne (mobilité, plastification des documents, conception des expositions, …).

Nous devons acquérir comme réflexe de penser chaque action ou activité de la bibliothèque avec ce prisme de sauvegarder la planète.

Journée départementale de la lecture publique consacrée aux bibliothèques vertes en Ille et Vilaine
Sophie Sorel-Giffo

Quelques exemples :
– Faut-il plastifier tout ou partie des documents ? Selon la taille de votre bibliothèque et le nombre des prêts peut-être pas du tout.
– Faut-il faire venir un comédien, un conteur ou un groupe de musique de l’autre bout de la France pour une ou deux représentations ? Pourquoi ne pas penser davantage “tournées” avec les bibliothèques voisines ?
– Créer une exposition en pensant à sa réutilisation et/ou son recyclage ?
– Les navettes transportants les documents sur un réseau, faut-il garder le même rythme ? Mettre en place une alternative en mobilité douce (vélo-cargo) quand c’est possible ?
– Faut-il n’acheter que des livres neufs ? Pourquoi pas acheter des livres d’occasion dans certains cas ?
– Tous les postes informatiques de la bibliothèque, en particulier ceux destinés au public, doivent-ils être allumés tout le temps ? Sont-ils encore tous utiles ?
– Faut-il encore donner ou vendre des tote bags et autres goodies ?
– Quel équilibre quantitatif et qualitatif pour notre communication papier et numérique ? Et pourquoi pas un petit message pédagogique dans nos affiches et flyers (imprimés au plus près des besoins) “venez à pied, à vélo ou en transports en commun” (quand toutes les options sont possibles et réalistes pour notre structure) ?

Avant d’obtenir d’importants travaux de rénovation si c’est nécessaire, il y a certainement des premières améliorations simples à mener sur nos bâtiments avec les services techniques pour limiter les pertes énergétiques et autres nuisances à l’environnement.

C’est une révolution copernicienne vitale. Avoir une vision systémique des évolutions à mener est incontournable et prendra du temps à se mettre en place, mais elle est indispensable.

À nous de nous en saisir au plus vite et de prouver que les bibliothèques peuvent être des acteurs de la transition écologique !


Tentative d’épuisement des boites à livres

La boite à livres : quelle (fausse) bonne idée!

Les boites à livres sont un sujet qui fâche de nombreux bibliothécaires, qui irrite et qui agace la profession… nous avons l’impression que certains décideurs (élus, direction générale, direction de la culture, direction de la communication, …) veulent remplacer la création d’une bibliothèque voire substituer la bibliothèque existante, qui ne veut pas ouvrir 24 h sur 24, par ce mobilier urbain si peu coûteux et si séduisant au premier abord.

En effet, la boite à livre est l’archétype de la fausse bonne idée, car elle semble avoir des nombreuses qualités :

– mobilier peu coûteux même si on essaie de faire un mobilier beau et visible.
– quasiment pas d’entretien. Un petit coup de peinture de temps en temps
– fonctionne en autonomie et sans budget de fonctionnement : les habitants déposent leurs livres et prennent ce qui les intéressent pour les ramener ou pas. Pas de personnel et pas de logiciels pour enregistrer les prêts. Pas de budget pour acheter des livres
– cerise sur le gâteau : la boite à livre, c’est de l’économie circulaire, du circuit court, du local et du développement durable. La boîte à livres favorise l’échange d’objets à durée de vie réduite.

La boite à livre, c’est le mal absolu ! Ce n’est pas une bibliothèque !

Piqué au vif et attaqué sur l’aile de sa reconnaissance professionnelle, le bibliothécaire ronchon déroule alors ses arguments contre la boite à livres :

– le choix est restreint : beaucoup de fictions et rarement des nouveautés. Peu de documentaires et de revues.
il n’y a que des livres laids et obsolètes. De nombreux habitants y déversent le grenier de leurs grands-parents avec des livres en mauvais état, des reliures très laides type Club du livre, des poches aux pages jaunies, des documents dépassés (Guide Juridique, dictionnaires ou Vidal des années 50, Encyclopédie en plusieurs volumes…), des livres jeunesse gnangnan (certains auraient même vu des albums de Martine, mais ils ne sont plus là pour témoigner, car ils ont été victimes d’un des monstres de Lovecraft connus pour fréquenter régulièrement les boites à livres.), des revues à moitié déchirées, des annales du bac des années 1980, etc. Dans le meilleur des cas, nous y trouvons des classiques de la littérature dans des éditions un peu défraîchies ou des livres récents (de 1 à 5 ans) en état correct. Tout cela parce qu’on ne jette pas des livres, c’est sacré !


– le risque d’y trouver des ouvrages sectaires ou de sciences parallèles, des prospectus commerciaux en tout genre
le choix n’est pas stable, et même si nous avons vu un livre susceptible de nous intéresser, nous ne sommes pas sûrs de l’y retrouver la prochaine fois, alors qu’en bibliothèque, on peut réserver !
– le choix dépend beaucoup des dons et peut très bien ne pas changer pendant des mois. Le lecteur flâneur peut finir pas se lasser de ne rien trouver de nouveau. Parfois la boite est peu remplie et il ne reste que des livres en mauvais état ou très vieux. Parfois, la boite déborde, mais on n’y trouve quand même rien d’intéressant pour-soi.
– etc. j’en oublie certainement.

Tout cela est juste et logique, car une boite à livre n’est pas une bibliothèque… Voilà le problème majeur qui nous agace fortement, la boite à livres ramène la bibliothèque à une simple collection de livres alors qu’elle est bien plus.

Comme le dit si bien la Loi de la sénatrice Sylvie Robert :

“Les bibliothèques (…) ont pour missions de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ainsi que de favoriser le développement de la lecture.

A ce titre, elles :

1/Constituent, conservent et communiquent des collections de documents et d’objets, définies à l’article 4, sous forme physique ou numérique ;

2/ Conçoivent et mettent en œuvre des services, des activités et des outils associés à leurs missions ou à leurs collections. Elles en facilitent l’accès aux personnes en situation de handicap. Elles contribuent à la réduction de l’illettrisme et de l’illectronisme. Par leur action de médiation, elles garantissent la participation et la diversification des publics et l’exercice de leurs droits culturels ;

(…)

Les bibliothèques transmettent également aux générations futures le patrimoine qu’elles conservent. A ce titre, elles contribuent aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu’à leur diffusion.

Ces missions s’exercent dans le respect des principes de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, d’égalité d’accès au service public et de mutabilité et de neutralité du service public.”


Je m’arrête là, il y aurait tant à dire.

Laissons les boites à livres aux romantiques et continuons à rendre crédibles nos bibliothèques comme lieu de partage, d’animation et d’ouverture sur le monde.

Arrêtons d’essayer de lutter contre les boites à livres ou de vouloir les éliminer, laissons les vivre et mourir (comme dirait James Bond) ou au pire vivoter. Si nous en avons la responsabilité, faisons-en un outil attrayant avec un choix sérieux et large. De toute façon il sera forcément moins large, moins diversifié et moins pérenne qu’une bibliothèque.

Utilisons plutôt notre énergie pour faire de l’advocacy en faveur des bibliothèques dont les collections sont choisies, organisées, éclectiques ou diversifiés et stables à moyen ou long terme.

Mais surtout, les bibliothèques sont bien plus qu’une collection, mais un lieu de vie, de partage, de découverte, d’animations, d’apprentissage, d’accès au numérique, d’éducation, d’échanges intergénérationnels… vers l’infini et au-delà.

Jeunes et culture numérique

Photo de Marius Masalar sur Unsplash

(texte de ma présentation pour la journéee professionnelle Jeunes et culture numérique du 07 avril 2022 à Evreux)

Le rapport des jeunes au numérique est un sujet assez vaste traité dans de nombreux livres, émissions radio ou télévisées parfois de manière caricaturale pour dénoncer certains excès, trop de temps passé devant un écran ou trop de violence dans les jeux vidéo. Cette présentation synthétique restreindra le sujet en abordant quelques aspects en lien avec les bibliothèques.

J’aborde en première partie cette question sous forme d’une équation à trois variables : le rapport des jeunes au numérique, le rapport des bibliothèques au numérique, les rapports entre les jeunes et les bibliothèques. Je termine dans une seconde partie en traçant quelques perspectives afin de développer une culture numérique en bibliothèque avec les jeunes.

I – Une équation à trois variables

1. Le rapport des jeunes au numérique

Illusion de la maîtrise et fracture numérique chez les jeunes

  • maîtrise forte, mais partielle : les jeunes sont habiles sur un usage récréatif mais peuvent connaître des difficultés avec des démarches administratives, par exemple écrire un mail avec une demande importante ou faire un achat en ligne. Ils ne sont Pas toujours en capacité de résoudre une panne technique simple comme un problème de branchement.

Savoir utiliser Youtube ou Tiktok n’implique de savoir faire une recherche en ligne ou être capable d’utiliser un tableur Excel

  • utilisation limitée à certains sites ou àcertaines applications dans une logique d’entre-soi… très volatile et évolutif selon les modes
  • fracture numérique en termes de matériel et de couverture internet ou 4G

«L’accès à internet reste très corrélé à la situation sociale des répondants : 69,8 % des collégiens de PCS « ouvriers-inactifs » déclarent être connectés à internet contre 92,4 % pour la catégorie PCS « cadres et professions intellectuelles supérieures. »

Le smartphone, l’objet majeur pour l’accès au numérique

Youtube et les “réseaux sociaux éphémères”

« Les adolescents privilégient les « réseaux éphémères » pour communiquer, créer, partager : pour les plus jeunes de notre échantillon (11-14 ans), Facebook est devenu un lieu beaucoup trop institutionnel ; ils ne fréquentent pas les pages Facebook des bibliothèques alors qu’ils vont volontiers s’informer sur celles des clubs de foot. Ils gardent un compte pour des raisons logistiques (téléchargement d’applications ou de jeux) mais ne s’en servent plus pour échanger » (source Enquête INJEP 2017)

Youtube est la star des utilisations par les jeunes

Les jeux vidéos une pratique sociale et genrée

La sociabilité dans la pratique des jeux vidéos est une dimension importante :

  • 82,7 % des répondants déclarent jouer avec des amis ou des proches
  • 58,8 % avec des joueurs rencontrés en ligne
  • 69,2 % seuls contre la machine.

Mais cela concerne plus les garçons, qui jouent beaucoup plus souvent entre amis et contre des joueurs rencontrés en ligne. Les filles jouent plus seules contre la machine.

La pratique des jeux vidéo des collégiens est presque deux fois plus masculine (91 % des garçons déclarent les pratiquer contre 46,5 % des filles). Et surtout, les jeux cités diffèrent en fonction du sexe :

  • Clash royale, Minecraft et Piano Tiles chez les filles ;
  • FIFA, Clash royale, GTA chez les garçons.

Des pratiques culturelles simultanées, variées et s’inscrivant dans une continuité entre physique et numérique.

Sylvie Octobre dans son étude sur Les cultures juvéniles de l’ère médiatique à l’ère numérique, soulignait les points suivants

  • Les jeunes sont toujours en recherche de médias expressifs, interactifs et innovants et cela rejoint leur besoin d’expérimentation : dans chaque génération, ils ont porté le développement des pratiques en amateur. En 2008, un quart des 15-29 ans jouent d’un instrument de musique, un jeune sur trois pratique le dessin, tandis que la pratique de la photographie s’est développée avec les technologies numériques et la diffusion massive des smartphones et concerne aujourd’hui 9 jeunes sur 10.
  • Le basculement numérique a induit une quadruple mutation : des rapports à l’espace et au temps d’abord, mais également et plus particulièrement aux objets culturels, de plus en plus hybrides, et aux modalités de labellisation ou d’édiction de la valeur symbolique, qui échappe tendanciellement aux institutions culturelles.
  • Un cosmopolitisme esthétique et culturel croissant des jeunes, qui se lit dans la multiplicité des contenus culturels exotiques consommés, (…) et donnent lieu à la constitution de nouveaux savoirs culturels.

L’enquête de l’INJEP complète ainsi:

“Beaucoup pratiquent plusieurs activités culturelles numériques simultanément (musique, jeux, information, films…).”

Toutes les dimensions des activités numériques et physique de consommation, de communication, de partage et de création se mélangent et s’entremêlent. Pour les jeunes, le numérique ne représente pas une série d’outils mais un continuum et un environnement dans lequel ils agissent:

  • « Je lis des paroles de rap et j’en écris.»
  • « J’écoute de la musique, je cherche des morceaux, j’écoute des albums sur des sites, je regarde des sites, je fais des play lists.»
  • « Je me filme en train de jouer de la musique.»
  • « J’invente des clips pour mes chansons.»

“Internet est présent comme une scène de travestissement et d’apprentissage, moyen pour les jeunes de tester des appartenances ou de s’exercer à la vie.” (Chantal Dahan, revue Champs Culturels n°28, novembre 2016)

“les pratiques culturelles restent pour les adolescents un moyen de se construire et de s’affirmer, au milieu des pairs.”

2. Le rapport des bibliothèques au numérique

Même si elles s’en sont emparé depuis quelques années, le numérique reste un objet récent dans les bibliothèques. Il n’y a pas forcément de maîtrise homogène au sein d’une équipe et d’accord ou de vision partagée sur la manière d’utiliser le numérique quels que soient les publics visés. Le numérique a souvent son spécialiste, ses espaces et ses actions.

Le numérique c’est à la fois des ressources (informations, contenus…), des usages (s’informer, visionner, jouer, communiquer) et des outils (matériels, logiciels…)

En bibliothèques, il y a un mélange de tout cela mais surtout une médiation des savoirs par le numérique et un peu de formations sur les usages et les outils.

« La “médiation numérique“ désigne la mise en capacité de comprendre et de maîtriser les technologies numériques, leurs enjeux et leurs usages, c’est-à-dire développer la culture numérique de tous, pour pouvoir agir dans la société numérique. » (Portail de la médiation numérique )

Pour développer le numérique dans sa bibliothèque : il est fondamental de se mettre d’accord et de partager en interne une stratégie, c’est-à-dire quels objectifs, pourquoi et comment les atteindre en prenant en compte l’ensemble des actions de la bibliothèque. Sinon il y a risque d’empilement chronophage avec une perte de sens ou de juxtaposition sans lien avec les autres missions de la bibliothèque.

3. Les rapports entre les jeunes et les bibliothèques

Les jeunes et le numérique en bibliothèques

Les Jeunes sont un public très présent en bibliothèques, même s’il y a un creux d’inscription, peut-être un peu en fréquentation à l’adolescence. Dans l’optique de construire les lecteurs et les citoyens de demain, les bibliothèques investissent fortement en direction de ces publics notamment avec l’accueil des classes maternelles, primaires et collèges.

La musique, le numérique, le jeu vidéo, le jeu de société et… l’esport sont souvent utilisés pour intéresser, attirer et fidéliser un public adolescent.

Le déploiement du dispositif des micro-folies a aussi apporté une modalité d’actions culturelles supplémentaire notamment dans le domaine de l’Education Artistique et Culturelle.

Nous assistons à un foisonnement d’actions et d’expériences en direction des adolescents avec un certain nombre de limites:

  • Jeux vidéo sur place, essentiellement à partir des consoles ou des tablettes. Prêt de jeux vidéo sous forme de support, mais pas d’abonnement possible à des plateformes. Quid de la pratique multi-joueurs en ligne ?
  • des ressources en ligne avec la mise en avant ponctuelle de documents numériques pour ces publics. Comment les rendre visibles ? Incarner physiquement ces ressources grâce à des objets qui renvoient vers le portail (lien par QR code par exemple.)
  • des ateliers de recherche d’informations ou de pratiques numériques en tout genre.
  • de l’action culturelle avec des spectacles comportant parfois une composante numérique plus ou moins forte

Deux exemples complémentaires de ce qui sera présenté lors des tables-rondes de l’après-midi

Atelier stop motion à Bresles (Oise)

enregistrement des voix pour le film en stop-motion

https://mdo.oise.fr/la-mdo/a-la-une/3088-atelier-stop-motion-a-la-bibliotheque-de-bresles

Créer Martigues (Bouches-du-Rhône) dans Minecraft pour en faire ensuite un terrain de jeu vidéo

https://www.livre-provencealpescotedazur.fr/blog/des-ateliers-jeux-video-en-bibliothegraveque-2093

Trois écueils avec le numérique… et les jeunes

  • S’emparer du numérique pour suivre le mouvement sans innover un peu soi-même
  • Concevoir des politiques d’acquisitions à la croisée des collections physiques et collections numériques avec la limite des offres des prestataires alors que les adolescents plébiscitent d’autres sources pour satisfaire leurs besoins en films, séries, musiques ou BD-manga.
  • Utiliser le numérique pour attirer les publics jeunes dans la bibliothèque sans tenir compte de certains risques, comme disposer de suffisamment d’espaces pour accueillir ces publics et favoriser la cohabitation des différents publics. Proposer le wifi et des jeux vidéo sur place ne suffisent pas à faire une stratégie visant à attirer et à fidéliser les jeunes.

II – Perspective: développer une culture numérique en bibliothèque avec les jeunes

Il semble vain de courir après le dernier réseau social ou d’utiliser les pratiques numériques à la mode chez les jeunes par exemple faire des chorégraphies endiablées sur Tiktok

Une approche plus constructive serait de créer une dynamique de partage des savoirs autour du numérique. Il s’agit de se saisir de cette opportunité afin de nouer une autre relation aux jeunes, mais aussi aux autres publics. Nous pourrions ainsi :

  • apprendre des jeunes ce qu’ils savent faire dans le numérique
  • leur transmettre nos connaissances sur le numérique.

C’est l’occasion pour nous d’élargir notre culture numérique, c’est l’occasion pour eux de maîtriser d’autres dimensions du numérique. Mettons ainsi en place une relation plus « horizontale » entre jeunes et bibliothécaires.

Dans certaines bibliothèques, les adolescents sont des éléments moteurs. Ils peuvent proposer des ateliers, de nouveaux jeux vidéo, des créations, des animations dont il faut s’emparer.

La dimension nouvelle réside dans le glissement de “la transmission des savoirs” à un ”partage” des savoirs, mouvants, co-construits, évolutifs. Mieux vaut un projet pensé avec les jeunes, partant de leurs envies énoncées et de leurs besoins (…) qu’une médiation sans public ou de la technique sans objectif. » (Leusse-Le Guillou, 2015)

La Mashup Table en action

Quelques pistes non-exhaustives :

  • Accompagner de prolongements numériques des actions au sein de la bibliothèque: filmer des ateliers ou des activités pour les diffuser ensuite, en garder une trace et mieux les faire connaître, par exemple créer un Booktube autour des coups de coeur. Nous pouvons aussi envisager ces prolongements comme des compléments (astuces ou coups de coeur supplémentaires)
  • Utiliser la Mashup Table pour réaliser des petites fictions tout en apprenant la réalisation et le montage vidéo
  • Faire créer une carte numérique par les jeunes décrivant un parcours “street art” dans la commune.
  • Réaliser des webradios et des vidéos

Conclusion

Pour résoudre cette équation entre les jeunes, les bibliothèques et le numérique, deux pistes majeures sont à explorer :

  1. Sortir de la prescription et être dans la co-construction. Cette approche permettra d’ailleurs de faire de certains jeunes des “ambassadeurs” de la bibliothèque à travers des activités animées par eux ou des contenus choisis-réalisés par eux.
  2. Travailler la continuité entre le physique et le numérique… pour les jeunes, mais aussi pour tous les publics. En effet, les deux s’imbriquent de plus en plus.

Sources

1/ Plusieurs réflexions et exemples cités sont issus du rapport 2018 de l’Injep (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire) Jeunes, bibliothèques, numérique et territoire : vers de nouvelles interactions de Cécile Delesalle, Chantal Dahan, Gérard Marquié avec la collaboration de Mirabelle Gallego.

2/ Deux pouces et des neurones. Les cultures juvéniles de l’ère médiatique à l’ère numérique de Sylvie OCTOBRE (La Documentation française, 2014)

Synthèse en ligne

2/ Revue Champs Culturels n°28 – Cultures numériques et pratiques numériques des jeunes : donner du sens aux usages

3/ La Fracture numérique n’épargne pas les jeunes – France Culture

Prélude à l’évolution des bibliothèques dans un monde complexe

Complexité
Photo CC PhOtOnQuAnTiQuE https://www.flickr.com/photos/photonquantique/

J’ai été invité le 26 novembre 2015 à Rennes comme grand témoin de la journée d’étude suivante:

Bibliothèques et numérique : vers des espaces de création et de participation
Une part importante du savoir et de la connaissance circule maintenant sur le Web. Les bibliothécaires expérimentent les offres électroniques et ont imaginé des dispositifs de médiation pour valoriser ces ressources souvent mal identifiées. L’influence des technologies tend donc à prendre de nouvelles formes en bibliothèque, accompagnant ainsi le mouvement de fond que les usages du numérique provoquent depuis maintenant 30 ans.

« BiBlio and co », pour une innovation ouverte !
Avec l’éclosion de la culture « maker », et à l’heure des « FabLab » et des « Biblioremix », les pratiques participatives réinvestissent les espaces physiques, encourageant ainsi la création et l’expression. De nouvelles tendances se dessinent pour procurer des améliorations ou des services supplémentaires. Multiplier les dispositifs interactifs et stimuler l’expression permet certes d’attirer et de fidéliser les publics. Mais les pratiques numériques et participatives apparaissent aussi comme une occasion de « faire avec » les publics, et de réfléchir aux nouvelles formes de transmission de la culture.
Au-delà de ces questions pratiques, et à l’heure de la question de l’utilité même des médiathèques au XXIe siècle, c’est bien l’enjeu de la place de la bibliothèque à l’horizon de la Ville intelligente (Smart City) qui sera posée lors de cette journée.

voir le programme ici

Une très belle journée d’étude qui alliait Forum de projets et ateliers le matin avec une partie plus théorique l’après-midi.Après une synthèse participative des ateliers du matin (avec la technique éprouvée des post-it proposée par Eric 😉 ), j’ai fait une mise en perspective. Pour prendre un peu de hauteur, il s’agit d’une première approche pour transposer aux bibliothèques la notion de complexité et de pensée systémique chère à Edgar Morin. Cela donnera lieu à d’autres textes plus développés dans de prochains billets.Je vous copie ci-dessous le plan de mon intervention pour laquelle je n’ai pas fait de diaporama.Co-production de la politique culturelle avec le territoire : Dépasser une culture de l’offre… documentaires et de services

  • Croiser les regards avec tous les acteurs du territoire
    • Question collective à se poser avec tous les acteurs concernés pour croiser les regards et sortir d’un point de vue biblio centré: 

« quel effet, quel impact, quelles objectifs sur le territoire du point de vue culturelle, éducatif et social »

    • coproduire et coopérer avec les acteurs du terrain pour réfléchir, embrasser toutes les problématiques, fixer des choix communs et y travailler ensemble
  • la politique culturelle ne doit pas être le seul apanage des acteurs culturels
  • le concept de ville intelligente est peut-être réducteur, parlons plutôt de la société intelligente capable de s’auto-eco-réorganiser dans un monde complexe
  • plus que faire avec les publics, c’est créer les conditions d’une coproduction et de la manière de contribuer collectivement aux évolutions culturelles, éducatives et sociétales du territoire dans lequel nous sommes
 

Pour le créateur de la Kao Compagnie, société de cosmétiques et de produits d’entretien, le but de l’entreprise n’est pas d’augmenter ses profits ou de prendre des parts de marché à ses concurrents, mais de créer de la connaissance pour ses usagers !

  • nécessite de partager avec les acteurs du territoire ce qu’est une bibliothèque, la culture et contribuer collectivement à faire évoluer la vision de la bibliothèque et ses enjeux
  • Un projet n’a de sens que s’il a du soutien
  • Changer de modèle et cultiver l’intelligence collective dans nos organisations
 Révolution à la Secu Belge: l’autonomie, le management au résultat, la liberté dans l’organisation du travail au bureau et à la maison + une expérience de cooptation.
Pour les bibliothèques, il me semble que les enjeux dans un monde complexe et mouvant sont de deux ordres:
  • contribuer à d’autres politiques que la seule lecture publique et s’insérer de manière plus globale dans la vie de son territoire mais pas seulement avec du partenariat
  • faire comprendre de manière le plus intime possible ce qu’est une bibliothèque aux acteurs, y compris les usagers, et leur permettre de contribuer à celle-ci.

Voir le live tweet #ChignonBzh

J’ai conscience que le plan peu paraître un peu sec mais d’autres explications sont à venir et je le partage pour les participants à la journée d’étude.

N’hésitez pas à compléter et à questionner.

La bibliothèque 3ème lieu: propositions pour une démarche marketing

couverture Mediathème Bibliotheques 3eme lieu

Le texte ci-dessous a été publié dans le médiathème « Bibliothèques troisième lieu » coordonné par Amandine Jacquet (ABF, 2015, isbn 978-2-900177-41-9) que je vous recommande chaudement d’acheter.


La bibliothèque troisième lieu est un concept qui permet de repenser les services et l’accueil du public en bibliothèque. Afin de compléter cette avancée, nous devons avoir une stratégie plus globale pour multiplier les occasions de faire connaître la bibliothèque et de fidéliser les usagers. Au fil des années, les bibliothèques n’ont cessé de se remettre en cause et d’évoluer, en proposant des animations, un accès Internet et des espaces numériques et de nouveaux supports, ou en sortant de leurs murs pour nouer des partenariats tout azimut. La montée en puissance de l’usage des écrans (télévision, ordinateurs, tablettes…) a induit une baisse globale du nombre de gros lecteurs et des inscrits en bibliothèque qui a beaucoup remis en cause ce travail de longue haleine. Les bibliothécaires n’ont pas tardé à trouver de nouvelles manières d’exercer leur rôle de médiateur culturel en prenant conscience que la fréquentation sans inscription était elle en hausse et que la plupart des internautes réclamaient des repères sur Internet. La hausse conjointe de l’individualisme, de la dématérialisation des contacts humains et du sentiment d’isolement provoque très probablement l’attente d’espaces permettant l’émergence de pratiques collectives et d’un sentiment d’appartenance. D’où le succès actuel de la notion de troisième lieu, qui rencontre les aspirations collectives d’une population et les aspirations des hommes politiques à la participation citoyenne active de la dite population. Succès donc de la bibliothèque comme lieu de vie pour ceux qui viennent sur place et de la médiation numérique, pour orienter les usagers dans le maelström des ressources numériques et du web. L’amalgame de ces différentes strates, les plus anciennes et les nouvelles, s’est fait de manière plus ou moins heureuse et il apparaît nécessaire de retrouver une vision et une stratégie plus globale. C’est le sens de la proposition de stratégie à 360 degrés que nous allons développer.

I. La bibliothèque comme carrefour de la vie culturelle

La collection n’est plus un artefact magique, si elle ne l’a jamais été, qui attire irrésistiblement le public vers la bibliothèque. La supposée ubiquité et disponibilité permanente des contenus culturels en ligne a dévalorisé la collection physique. Quand un usager ou un nouvel usager potentiel vient à la bibliothèque, il est important de l’accueillir dans les meilleures conditions et de lui proposer une expérience culturelle forte. La bibliothèque a tout intérêt à devenir un carrefour de la vie culturelle, c’est à dire un troisième lieu dont les activités s’articulent autour des contenus culturels que ce soit la culture vivante à travers les animations, la formation tout au long de la vie ou les pratiques culturelles plus traditionnelles. En effet l’enjeu est de donner de multiples raisons aux usagers de venir à la bibliothèques. C’est pourquoi toute notre énergie doit se tourner vers la mise en relation des usagers et des contenus culturels, que cela passe par un concert de musique qui donne envie de découvrir un genre musical, par un extrait de pièce de théâtre qui invite à voir l’intégralité dans la salle de spectacle toute proche, que ce soit un cours de langue qui permette d’élargir ses horizons ou un atelier d’écriture qui incite à lire des nouvelles. Dans l’esprit d’un lieu de culture vivante, il est de notre responsabilité de devenir un lieu de diffusion alternatif d’œuvres qui n’ont pu trouver d’espaces de diffusion pour des raisons strictement économiques comme les films documentaires tournés et montés mais jamais distribués. Nous devons bien sûr exercer, comme pour les acquisitions, un travail de défrichage, de recherche et de sélection dans ce domaine. Il ne s’agit pas de tout diffuser mais de choisir ce qui sera complémentaire et cohérent avec les collections existantes tout en acquérant ce qui a du sens par rapport aux enjeux de société du moment, et par rapport au territoire sur lequel est implanté la bibliothèque.

Certaines de ces mutations sont déjà largement entamées de manière diverses et variées selon la taille des équipements, les moyens humains et financiers disponibles. C’est pourquoi il me paraît maintenant nécessaire de penser à 360 degrés la stratégie d’une bibliothèque. L’enjeu est d’agir dans toutes les directions pour être encore plus présent et encore plus identifié afin d’attirer et de fidéliser davantage les usagers existants ou potentiels.

II. Eléments de réflexion pour une stratégie marketing à 360 degrés

Cette approche s’inspire de ce que nous pouvons observer dans les médias et les industries culturelles. Ainsi le groupe Radio France ne se contente plus d’être une radio mais il est devenu éditeur de livres et de magazines et même d’un prix littéraire(1). Radio France met en ligne les vidéos de certaines séquences de ces émissions, développe un site Internet de plus en plus riche et interactif sans compter la multiplication des évènements comme les émissions spéciales délocalisées ou la fête du livre de Radio France. C’est dans l’industrie musicale que la stratégie marketing à 360 degrés a été la plus utilisée face à la crise du disque compact : une même entité prend en charge l’enregistrement, la fabrication, la distribution du disque, la promotion, la réalisation des clips, l’organisation des tournées et la gestion des droits pour un artiste.

En matière de bibliothèques, cela pourrait se traduire de différentes manières en fonction de la taille et des moyens dont elles disposent. Le premier axe serait de diffuser en ligne systématiquement l’action culturelle et tous les évènements se déroulant à la bibliothèque sous forme d’enregistrements vidéos (2) et/ou audios (3). La mise à disposition des expositions sous forme d’expositions virtuelles enrichies pourrait aussi devenir un réflexe (4). L’action culturelle de fond ou évènementielle deviendrait ainsi une collection comme une autre de la bibliothèque. Ce qui impliquerait d’ailleurs de la référencer dans la recherche catalogue.

Pour une bibliothèque moyenne à grande ou dans le cadre d’un réseau, la publication d’un magazine à dimension culturelle qui s’articule autour des contenus et des activités de la bibliothèque représente un autre axe important. Il ne s’agit pas juste d’un programme d’animations mais bien d’un magazine qui prolonge et accompagne ce que fait la bibliothèque. Les bibliothèques de certaines grandes villes, comme Lyon ou Rouen (5), sont déjà dans cette démarche. Des articles ou des dossiers, s’appuyant sur des expositions ou des thématiques d’actualités, ouvrent des perspectives dans et hors de la bibliothèque à la manière de certains hebdomadaires d’actualité.

En effet, face au flux d’information, les usagers sont à la recherche de sélections pertinentes et validées dans différents domaines. Selon différents sondages fait notamment aux Etats-Unis, les bibliothécaires sont bien identifiés et bien placés dans ce domaine. Aux professionnels des bibliothèques françaises de s’emparer davantage de la mission de bibliothèque de référence pour publier des informations pouvant servir de références ou de repères via des magazines papier ou Internet (site officiel ou réseaux sociaux).
Si comme nous le suggérions ci-dessus la bibliothèque s’engage dans une démarche de lieu de diffusion alternatif et dans la mesure où les contenus diffusés ont été sélectionnés par les soins des bibliothécaires, la bibliothèque pourrait pousser un tout petit peu plus loin la démarche en devenant éditeur de ces contenus (6), en particulier éditeur numérique permettant de mettre à disposition et de diffuser ces contenus. Surfant sur l’aura de confiance dans la diffusion de contenus validés, c’est tout à fait logiquement qu’elles prolongeraient ce rôle grâce à leurs compétences d’acquéreuses et de médiatrices. Il y aurait en outre une complémentarité évidente entre la bibliothèque comme collection, magazine et éditeur : les collections recevant les contenus édités, le magazine renvoyant vers les collections et les contenus édités, le magazine et les contenus édités assurant la visibilité de la bibliothèque en-dehors de ces locaux (7).

La stratégie 360 degrés consiste à endosser les différents rôles autour des contenus : de la production à la diffusion en passant par la promotion voire la distribution. De l’acquisition à l’action culturelle en passant par le prêt, les bibliothèques sont déjà présentes dans la distribution, la diffusion et la promotion non marchandes même si elles doivent s’améliorer dans ce domaine comme nous l’avons indiqué ci-dessus. L’espace à conquérir est la partie production et édition des contenus. Les possibilités et les facilités du numérique nous ouvrent des perspectives dans ce domaine. Il s’agit soit de repérer et de labelliser un contenu existant soit de financer la création de contenu grâce aux résidences que certaines bibliothèques organisent déjà puis d’en devenir le distributeur numérique.

Enfin, les bibliothèques doivent encore faire des efforts pour communiquer et être connues non seulement pour leurs collections et leurs bâtiments mais aussi sur l’ensemble des services proposés. Chaque occasion doit être saisie pour se faire connaître, par exemple « Vous cherchez des idées originales pour faire du tricot, venez donc voir à la bibliothèque ! » (8), « Vous cherchez des idées de cadeaux culturels, venez donc chercher conseil auprès de votre bibliothécaire. » (9), « Vous voulez apprendre les bases d’un traitement de texte, la bibliothèque peut vous aider », ou encore l’aide aux révisions du baccalauréat comme certains bibliothèques commencent à le faire (10).

Cette démarche marketing peut aussi s’accompagner d’une présence hors les murs plus affirmée : avoir un panneau d’affichage, une vitrine, une borne interactive ou toute autre idée dans les théâtres (11), les maisons de la culture, les salles de sport, les centres sociaux, les maisons des jeunes, les centres commerciaux, etc… Dans le cadre des partenariats mis en place, nous pourrions faire insérer des articles dans les documents de communication de ces structures. Ces articles seraient bien sûr en lien avec les contenus ou les services que la bibliothèque peut proposer au public recevant ces documents. Par ailleurs, pour les bibliothèques hors les murs, il serait judicieux de cesser de bricoler et d’offrir un espace attractif et attrayant comme aux Etats-Unis avec l’Uni Project (12). En lieu et place des caisses plastiques et de quelques tapis de sol, la mise en place de bancs et d’étagères design permettrait non seulement d’attirer et de fidéliser les publics de passage mais aussi de donner une image plus juste et plus positive de la bibliothèque. Les documents sont plus visibles disposés sur des rayonnages et la solution Uni Project permet aussi des projections de DVD.

Au final, l’objectif pour les bibliothèques serait que leur fréquentation, sous toutes ses formes, devienne aussi addictive qu’une bonne série télévisée.

III. Fidéliser et conquérir différents publics

Les objectifs de cette stratégie à 360 degrés sont bien de fidéliser les publics existants et d’en conquérir de nouveaux. Pour ce faire, il est nécessaire de multiplier les occasions où la bibliothèque se rend visible en dehors de ses locaux et donc de multiplier les points de contact entre la bibliothèque et le public existant ou potentiel.

La plupart des propositions faites dans ce texte ne sont pas nouvelles en soi. Bien souvent ces actions ou ces services existent déjà. Il s’agit d’une part de mieux les coordonner et de mieux les mettre en synergie grâce à une vision globale, d’autre part d’oser les prolonger sur des terrains que les bibliothécaires s’interdisent à tort car ils ont la légitimité et les compétences pour le faire. Enfin, cette démarche marketing est nécessaire afin de valoriser ces actions et services qui restent trop souvent méconnus des publics et des décideurs.

Force est de constater que des acteurs privés, comme par exemple Amazon qui prête des livres numériques dans le cadre de son programme Premium, n’hésitent plus à venir occuper nos platebandes (13). Il semble naïf et illusoire de se croire à l’abri en se cantonnant à nos missions traditionnelles. Devenir un média et un petit éditeur sont des tactiques parmi d’autres pour assurer l’indépendance et l’avenir des bibliothèques dans un monde où les frontières risquent de devenir de plus en plus floues et poreuses, ou du moins invisibles pour le public. En tant que service public détaché de toute exigence de rentabilité, la bibliothèque pourra rester un lieu indépendant pour informer, publier et ouvrir des horizons culturels.

La bibliothèque troisième lieu permet de créer une relation plus forte et plus pérenne avec l’usager. Pour conforter cet acquis, la bibliothèque peut instaurer une interaction très régulière avec le public fidèle et élargir celui-ci, grâce à une approche marketing globale et plus offensive concernant l’ensemble de ses actions et de ses services. Agir à 360 degrés pour agir dans toutes les directions même les plus inattendues… Pour paraphraser le mantra du Seigneur des anneaux: « Une stratégie pour gouverner tous les lecteurs. Une stratégie pour les trouver. Une stratégie pour les amener tous et dans les ténèbres les lier. »

 

1 Le kiosque Radio France : http://sites.radiofrance.fr/radiofrance/kiosque/ et le Prix du Livre Inter : http://www.franceinter.fr/evenement-prix-du-livre-inter-le-jury-et-la-selection

2 Voir les conférences enregristrées à Montpellier http://mediatheque.montpellier-agglo.com/EXPLOITATION/DEFAULT/conferences-en-ligne.aspx

3 L’enregistrement audio, le fameux podcast, se prête plus facilement à une écoute mobile et décalée. Il peut aussi être plus simple à mettre en œuvre techniquement et pour réaliser le montage.

4 Voir les expositions virtuelles de la BM de Limoges (http://www.bm-limoges.fr/expos_virtuelles.html) et Amandine Postec, Créer une exposition virtuelle en bibliotheque, enssib, 2013. (http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/62643-creer-une-exposition-virtuelle.pdf)

5 Topo pour Lyon (http://www.bm-lyon.fr/actualites/topo.htm) et Texto pour Rouen (http://bibliotheque.rouen.fr/repons/portal/bookmark?MainTab=CMSDoc&CMSDocTab=ShowChannelDoc&ShowDocChannel=grainsel/accueil&ShowDocXsl=&ShowChannelDocType=&GlobalTreeNode=DiscoverGrainDeSel&)

6 Concept que j’avais déjà exposé sur mon blog en 2010 : https://www.xaviergalaup.net/blog/2010/09/18/les-bibliotheques-comme-editeur-et-diffuseur-numerique-voire-plus/

7 Voir la synergie du magazine Books qui est aussi éditeur : http://www.books.fr/

8 Des ateliers de tricot co-construits avec les usagers ont été proposés, suite à la demande du public, à la Bibliothèque Louise Michel du réseau de la ville de Paris.

9 Des idées cadeaux par la bibliothèque départementale de la Manche http://biblio.manche.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=1085:des-idees-cadeau-pour-noel&catid=37:selections&Itemid=103 ; relayé par une bibliothèque de son réseau http://mediathequepontorson.wordpress.com/2013/12/17/les-idees-cadeaux-de-la-bibliotheque-departementale-de-pret-de-la-manche/

10 La BPI a initié des ouvertures plus larges quelques semaines avant le baccalauréat, d’autres équipements s’en sont inspirés comme la bibliothèque centrale à Mulhouse.

11 Voir le texte de Amaël Dumoulin et Jean-Luc Duval

12 http://www.theuniproject.org/

13 Il y a aussi des petites bibliothèques dans certains hôtels ou dans certaines boutiques de luxe, voir même l’opération « satisfait ou remboursé 30 jours » y compris pour les achats de livres de la chaine Cultura (qu’est-ce qui empêche de lire un livre et de demander le remboursement ?)…

L’élu, le décideur et la bibliothécaire sont des femmes comme les autres

Les élections municipales sont derrière nous et les bureaux des intercommunalités ont été constitués. Force est de constater qu’il y a eu cette année beaucoup de renouvellement du coté des élus. Certains d’entre vous se retrouvent face à une nouvelle équipe ou à une équipe recomposée qui ne connaît pas forcément bien la bibliothèque et ses enjeux. Vous allez donc devoir faire oeuvre de pédagogie et apprivoiser les nouveaux édiles. Ils ne sont d’ailleurs eux-même pas toujours très à l’aise.

Je ne peux que vous recommander le numéro Bibliothèque(s) consacré aux relations entre Bibliothécaires et décideurs (décembre 2013, pdf du sommaire), à lire ou relire. Le texte ci-dessous a été publié dans ce numéro et fait une petite synthèse de son contenu.

L’élu, le décideur et la bibliothécaire sont des femmes comme les autres

Et si nous bibliothécaires quittions définitivement notre posture de Caliméro : élus, décideurs, publics,… personne ne m’aime et c’est trop injuste car je fais un métier génial et tellement important. Certes notre métier est mal connu et nous avons dû défendre, tel le chevalier blanc, la technicité de notre métier et la complexité à organiser ou gérer une bibliothèque. C’était probablement nécessaire à un moment donné pour « rendre visible l’invisible » comme le dit très bien Dominique Lahary. Mais aujourd’hui ce n’est plus tenable et nous voyons très bien que les lignes bougent en lisant les différents articles de ce dossier. Ainsi la décentralisation a permis aux collectivités locales de s’emparer des certaines compétences comme la Lecture Publique. La LRU engage plus qu’avant le directeur du SCD à expliquer et négocier son budget vis à vis de la présidence et de la direction générale de l’université. A Saint-Jean-De-Braye, une bibliothèque connaît un creux et doit reprendre son destin en main en prenant en compte les points de vue de l’élu et de la direction général. Dans les Yvelines, la création d’un réseau se fait sous l’impulsion des professionnels qui arrivent à convaincre petit à petit les élus. A Anzin, la mise en œuvre d’un projet de service demande à la médiathèque de faire preuve de pédagogie sur ses missions mais aussi de s’approprier la notion de transversalité dans son contexte.

A l’opposé des exemples presque trop beaux de ce dossier, vous avez certainement en tête des projets contrariés, retardés ou annulés. En même temps la bibliothèque n’est pas le centre de la politique de la collectivité ou de l’université dans laquelle vous travaillez. Les élus et les décideurs sont des femmes comme les autres, ils doivent jongler avec de nombreux paramètres dont la bibliothèque fait partie mais n’est pas forcément leur tasse de thé ou leur priorité du moment. De toute façon, aucune politique publique ne va de soi surtout en ces temps de crise financière où chaque euro est censé être utile. Regardons autour de nous en Europe où des villes n’ont pas hésité à réduire les services ou à fermer purement et simplement la bibliothèque.

Tout comme nous nous efforçons de plus en plus à entrer dans l’univers quotidien des citoyens grâce à des campagnes de communication, à l’action culturelle, à notre participation aux projets éducatifs de nos collectivités, à notre présence en ligne, il est urgent et vital d’entrer davantage dans l’univers des décideurs et des élus. L’enjeu est non seulement de se rendre intelligible pour eux mais aussi de prendre notre part et de s’intégrer à l’ensemble des enjeux ou des politiques qu’ils portent. Nous ne pouvons pas d’un coté nous plaindre que la bibliothèque est marginalisée et de l’autre rester bien isolé dans notre tour d’ivoire.

Ne faisons pas d’angélisme, il y a des élus qui se moquent de la lecture publique et des décideurs qui ne verront que les charges représentées par les équipements culturels. Dans tous les cas, il conviendra de toujours remettre sur le métier nos arguments sur le rôle de la bibliothèque au-delà du champs culturel, sa participation à l’éducation de tous et à la cohésion sociale.

Ma vie avec les décideurs et les élus : mode d’emploi

Il y a un premier paradoxe à prendre en compte dans notre vie avec les décideurs. Comme le dit si bien N. Larderet, nous devons nous garder d’un excès de personnalisation : ma bibliothèque, mon équipe, mes lecteurs, mon DG, mes élus,… Cependant comme la très grande majorité des activités humaines, ce qui compte, ce qui donne la motivation, ce qui permet d’influer ou de faire fonctionner les structures, ce sont les relations humaines. Et c’est bien la qualité de la relation humaine qui permettra, peu ou prou, la prise en compte de la bibliothèque. Même si le coup de foudre est possible ou si les atomes crochus sont évidents, cette relation humaine avec les décideurs se travaille au jour le jour dans l’implication que le bibliothécaire aura vis à vis des autres membres du trio.

Les écueils sont nombreux : une proximité trop forte avec l’élu à la Culture qui se prend pour le Directeur des Affaires Culturelles (DAC), un élu plein de préjugés et inaccessible, un DAC ou un Directeur Général autoritaire qui fait barrage à toutes vos demandes,… Et surtout un espace-temps très différent, comme le fait remarquer Dominique Lahary, notamment le calendrier électoral pas toujours en phase avec les projets que nous portons au nom des bienfaits de la lecture publique… Les deux ont certainement raison mais c’est à nous de saisir les occasions pour entrer dans l’espace temps de l’élu ou du décideur sans s’interdire bien sûr de faire infléchir ou de mettre son grain de sel à la commande politique.

L’arrivée du numérique ou la bibliothèque 3ème lieu font partie de nos préoccupations pour l’avenir des bibliothèques dont nous avons la charge. Partageons-nous ces inquiétudes avec les élus et les décideurs pour montrer non seulement que les bibliothèques bougent mais aussi pour, dans la relation, construire avec eux des solutions ? Plutôt que l’illusoire sécurité d’une tour d’ivoire, rendons des comptes et échangeons nos points de vue pour se comprendre et trouver le chemin à parcourir vers l’avenir de la bibliothèque en fonction des enjeux de chacun.

Dans la mesure où les frontières entre les rôles de chacun sont très poreuses, le fonctionnaire expert propose et l’élu décide, il convient d’être agile et souple dans cet environnement tout en ayant toujours conscience de cette situation d’équilibriste et en restant vigilant sur la phase de prise de décision qui revient forcément aux décideurs.

Potion anti-Caliméro (peut être consommée sans modération):

  • quitter sa tour d’ivoire et sa carapace de spécialiste de la bibliothéconomie

  • tisser des relations de confiance avec les décideurs en évaluant son activité, en rendant compte et en jouant son rôle d’expert force de proposition dans son domaine

  • être attentif aux enjeux de sa collectivité pour s’y inscrire et participer à chaque fois que c’est possible à ses autres politiques. Et quand l’occasion de présente, être soi-même tête de file d’une politique transversale comme à la BU d’Angers autour des archives ouvertes ou d’un pôle audiovisuel.

  • se rendre visible et utile aux autres services de la collectivité.

La bibliothèque n’appartient pas aux bibliothécaires ni aux décideurs mais bien à la collectivité dans laquelle elle s’inscrit. Le beau modèle bibliothéconomique de la bibliothèque encyclopédique s’adressant à un public virtuel n’a plus de sens. Plus que jamais la bibliothèque devra être une savante alchimie issue du contexte et du dialogue entre élus, décideurs, bibliothécaires et usagers.

Développer la médiation numérique dans un réseau de bibliothèques existant

Plan
Plan d’action Photo CC de johanneslundberg http://www.flickr.com/photos/johanneslundberg/

Il y a quelques mois j’ai été amené à proposer un plan d’action pour un poste de chef de projet « Médiation numérique ». Je compile ici les lignes de force qui sont susceptibles d’être réutilisées dans d’autres contextes.

Le plan d’action se déploie sur 3 axes principaux qui pourront être modifiés et affinés avec un groupe projet.

1/ La médiation numérique

> Mise en place d’un groupe projet pour préciser le contenu de la politique numérique, en assurer le suivi et la mise en œuvre

Ce groupe de travail sera composé de 5 à 10 personnes. Dans l’idéal et sur la base du volontariat, les différents types de bibliothèques devraient être représentés, le responsable informatique et les collègues particulièrement motivés par ce projet. Le groupe projet se réunira régulièrement et utilisera des outils de gestion de projet numérique type Trello (https://trello.com/). Les membres de ce groupe de travail auraient pour vocation de convaincre et de former les autres collègues.

  • Rédaction de la charte de développement numérique
  • affiner les objectifs et le périmètre de la politique numérique
  • réflexion et proposition sur les publics cibles qui pourront être différents selon les thématiques fortes à défendre : faire connaître le patrimoine à un public jeune ? Valoriser telle action auprès d’un public senior ?
  • réflexion sur la mise en œuvre ou non d’une ou de plusieurs identités numériques, c’est à dire un ou des avatars destinés à personnaliser l’institution sur les réseaux sociaux
  • lister les ressources et les moyens disponibles
  • élaborer le budget des différentes actions envisagées
  • identifier et former les personnes relais dans les différentes bibliothèques
  • planifier la montée en charge des différents axes de développement retenus
  • en fonction des possibilités du logiciel de portail, passer en revue les CMS les plus connus et sélectionner celui qui pourrait être utilisé en complément pour la mise en ligne de contenus.
  • rédaction d’une chaîne de production et de validation des contenus: calendrier de mise en ligne, circuit de validation, durée de visibilité selon les contenus avec archivage ou pas.
  • réfléchir et proposer des axes et le contenu de la communication interne et externe
  • création et constitution de kits matériels pour la production de contenus autour des animations (kit podcast, kit vidéo, kit photo) avec mode d’emploi
  • sélection des critères d’évaluation sur les différents axes de la politique numérique.
  • validation successive de ses travaux par l’équipe de direction

 

Réflexion sur les outils de publication et de médiation en ligne

  • Réfléchir sur l’évolution du logiciel de portail.
  • Envisager la création d’un ou plusieurs sites satellites au portail d’une part pour pallier le cas échéant aux limitations de la version actuelle du logiciel de portail, d’autre part pour offrir des accès moins institutionnels aux ressources ou aux actions des bibliothèques. L’utilisation de CMS standards comme Drupal permettra d’envisager l’intégration d’informations du portail dans le ou les sites satellites. Plusieurs sections déjà actives sur le portail ou le secteur jeunesse pourraient par exemple disposer chacun d’un site propre pour valoriser leurs actions, faire de la médiation et créer de l’interaction avec leur public.

Mise en place d’un comité éditorial et d’une chaîne de validation des contenus

  • création d’un comité éditorial qui propose, planifie, suit, met en œuvre la production de contenus en ligne et assure la présence en ligne. Ce comité recoupera en partie le groupe projet numérique.
  • établir une charte de rédaction des contenus en ligne (longueur et mise en forme des textes, place de l’illustration et des contenus multimédias). Après validation en équipe de direction et pour son appropriation par les rédacteurs potentiels, ce document sera soumis à commentaires et pourra évoluer jusqu’à une version définitive.

> Développer la culture numérique, formation et accompagnement des collègues

  • diffusion hebdomadaire d’une newslettre de veille sur le numérique, les actions numériques de la ville et dans la région, le monde culturel, les bibliothèques et le numérique, toutes informations dans ce domaine susceptibles de servir de source d’inspiration. Les informations seront stockées en ligne sur un outil de type Scoop.it. Par la suite cette veille comportera une dimension participative où les collègues pourront faire des suggestions.
  • si elle n’existe pas, réaliser une enquête sur le niveau d’information, de formation et d’attente des collègues via un sondage.
  • organiser trois conférences par an sur des thèmes de l’actualité numérique (la lecture sociale à l’ère du numérique, qu’est-ce qu’un Fablab ?…) par des personnes extérieures (locales ou d’ailleurs) ou le chef de projet numérique.
  • rédiger et diffuser des synthèses de lecture professionnelle, de journées d’étude ou de formations.
  • prévoir un temps d’appropriation des outils numériques et un temps de préparation à la mise en œuvre avec présentation, utilisation professionnelle, temps d’échange et d’évaluation.
  • Formation à la rédaction sur le web
  • Formation à l’écriture de chroniques de documents
  • Formations aux outils logiciels ou aux matériels en fonction des choix effectués tout au long des développements de la politique numérique

 

> Développer la production de contenu en ligne et la médiation documentaire numérique

  • Encourager et développer la production de contenus autour de l’action culturelle : dossiers thématiques en ligne, reportages photos sur les ateliers, photos et petit compte-rendu sur une animation, petite vidéo sur une animation, visite vidéo d’une exposition, envisager les moyens de mettre en œuvre une captation systématique des moments forts de l’action culturelle (cf. à Toulouse, http://www.bibliotheque.toulouse.fr/Archives-conferences.html)
  • démultiplier la médiation documentaire numérique : inciter les bibliothécaires et tous les collègues intéressés à rédiger une chronique par mois sur des notices ou sur des ressources en ligne

MicroTournée
Photo CC By MD68

> Développer la communication et la présence en ligne

  • assurer une présence en ligne sur les principaux réseaux sociaux : Facebook, Twitter et Google+ avec une publication minimum par jour.
  • A partir de la définition de rubriques récurrentes (par exemple : le livre de la semaine, la rétrospective du mois, l’animation du jour, etc…) Tous les contenus produits y seront propulsés et quelques contenus à dimension plus interactive seront produits spécifiquement pour ces réseaux, comme des petits jeux sous forme d’énigme ou de concours.
  • Mettre en place une ou plusieurs newslettres qui récapitulent l’ensemble des informations produites.
  • Pour certains contenus, des relais pourraient être trouvés sur le site de la ville et d’autres sites d’informations locales.

 

2/ Définir et développer les espaces de médiation numérique

Après un état des lieux et en s’appuyant sur les actions en cours, il s’agira d’établir un petit cahier des charges des espaces de médiation numérique qui pourra s’adapter en fonction de la taille de l’établissement. Celui-ci sera souple et évolutif dans un domaine ou les technologies changent vite.

Quelques bases pour ce cahier des charges :

  • éléments scénographiques pour matérialiser l’espace (banderoles ou tapis de sol personnalisés en fonction d’une charge graphique à concevoir avec l’agence de communication Ligne A Suivre).
  • du matériel pour un usage sur place dont la quantité variera selon la taille de l’espace : des tablettes multimédias (iPad et d’autres sous Android), des téléphones mobiles grand format type Galaxy Note, des liseuses, des ordinateurs portables et des objets connectés ludiques type Karotz (lapin communiquant, http://store.karotz.com/fr_FR/).
  • Dans les grandes médiathèques, ces espaces pourront être déclinés dans une version jeunesse.
  • Les contenus : l’accès à des ressources numériques, des applications généralistes (réseaux sociaux, bureautiques, pratiques,…) et culturelles ainsi que des jeux.

Certaines bibliothèques petites ou moyennes ne pourront pas créer d’espace et ne pourront que prêter du matériel et organiser des présentations ou des animations sur place.

Outre les formations aux outils numériques, ces espaces pourraient être animés selon deux grands axes :

  • créneaux autour d’une thématique (exemples : les applications pour vos enfants, les jeux de société sur tablette, Facebook pour débutant, comment préparer ses vacances ? , créer un jeu vidéo)
  • rendez-vous personnalisés avec l’animateur pour une durée de trente minutes à une heure.

Un plan de communication sera aussi préparé et mis en œuvre après une première phase d’expérimentation des espaces numériques.

 

3/ Actions culturelles et développement des partenariats dans le domaine numérique

FablabRennes
photo de maltmann23 http://www.flickr.com/photos/maltman23/

 

L’objectif sera d’intégrer de manière progressive des animations numériques dans le programme général du réseau des médiathèques. Pour la saison 2013 – 2014, il s’agira d’inclure du numérique sur plusieurs moments forts existants et/ou de s’associer si possible avec un évènement numérique de la ville. Quelques exemples d’actions culturelles: Créer une application pour enfant avec Olivier Douzou, Dessiner et bloguer au quotidien (Ma vie en patate de Martin Vidberg http://vidberg.blog.lemonde.fr/ ou Ma vie en BD http://blog.chabd.com/) ou autour de l’art numérique avec un acteur local. De manière stratégique, il sera aussi demandé d’inclure du numérique dans des actions récurrentes comme les comités de lecture ou d’écoute, l’heure du conte ou les ateliers de dessin.

Par la suite, il pourra être envisagé de créer un évènement ponctuel ou récurrent autour du numérique. Afin de nouer des partenariats avec différents acteurs numériques de la ville et le monde universitaire, les médiathèques pourraient accueillir une série de conférences sur le thème des Fablab. En accompagnement des conférences, une exposition d’objets fabriqués par le FabLab existant ou des démonstrations du fonctionnement des imprimantes 3D pourraient avoir lieu à la médiathèque centrale.

Les espaces numériques pourraient aussi servir de laboratoires d’échange et d’expérimentation entre des usagers, des créateurs et/ou des entreprises.

Comme tout le reste du blog, ce plan d’action est en Creative Commons et n’hésitez pas à faire vos remarques ou à compléter.

Pour un engagement politique des bibliothèques

(contribution au Congrès ABF 2012: La Bibliothèque, une affaire publique)

Panneau Danger
photo Joelk75 http://www.flickr.com/photos/75001512@N00/

Les résultats du premier tour des élections présidentielles 2012 confirment un enracinement et une diffusion géographique du vote d’extrême droite. Il ne faut pas se voiler la face en prétextant un vote protestataire, j’ai la conviction que nous sommes dans un vote d’adhésion aux discours simplistes et démagogiques.

Les médias, en particulier la télévision, survolent et schématisent beaucoup de sujets de sociétés importants. Les faits divers s’enchaînent pour maintenir ce sentiment d’insécurité si subjectif et si difficile à contrer avec des arguments rationnels sur la baisse mathématique des crimes et des délits violents… Les difficultés et les peurs (emploi, déclassement,…) liées à la crise économique font chercher des boucs émissaires et facilitent l’adhésion à des solutions caricaturales…

Il me semble urgent et vital que les bibliothèques deviennent un lieu de parole et de débat. Il s’agit de mettre en perspective un sujet politique, d’apporter avec pédagogie une profondeur de réflexion face au temps court des médias et surtout de favoriser l’expression des idées de chacun même si cela ne sera jamais simple à gérer.

[auto-promo] Je voudrais à ce sujet témoigner de la réussite d’une animation de la Médiathèque Départementale du Haut-Rhin organisée depuis 3 ans. Nous avons successivement abordé la biodiversité, l’énergie et le sexe. Dès la première édition l’écho a été important auprès du public tant au niveau de la fréquentation que des retours qualitatifs (satisfaction sur les informations et sur l’espace de débat,…). La dernière édition sur le sexe a pulvérisé tout nos records et l’écho dans la presse locale est positif et inattendu… voir le bilan ici. Nous constatons aussi une fidélité qui s’installe d’édition en édition et quelques personnes assistent à plusieurs soirées d’une même édition. “On vient à différentes soirées car on sait que cela sera bien”… [/auto-promo]

Il nous faut bien sûr d’abord convaincre les directeurs généraux et les élus d’aborder certaines questions. Il pourrait refuser par crainte de choquer des électeurs potentiels. A nous d’être persuasif, convaincant et persévérant. L’idéal serait de les associer au contenu et à la manifestation elle-même…

Ensuite l’enjeu est de dépasser le public habituel des bibliothèques, les CSP+, afin de semer une graine permettant de faire germer des doutes face au populisme. Même si tous les publics visés ne se déplacent pas, un titre provocateur ou donnant un point de vue comme “Trop d’étrangers en France: vérité ou foutaise?” et des comptes-rendus bien fait dans la presse locale pourrait être une bonne stratégie. Pourquoi pas une synthèse de livres parus sur l’insécurité dans le journal de notre collectivité? Il y a certainement d’autres idées à partager dans ce domaine. Là où l’exercice sera difficile, c’est d’avoir un point de vue afin d’ouvrir le débat mais de ne pas pouvoir être trop facilement taxé d’une approche partisane…

Mais il me semble bien qu’il n’y ait pas d’alternatives si nous voulons pouvoir nous regarder dans une glace dans 5 ans. Alors prenons des risques, ne nous contentons plus de consensuelles soirées littéraires, contées ou d’ateliers scientifiques mais prenons à bras le corps des sujets de société et osons le débat car je suis persuadé que les citoyens sont demandeurs. Apportons notre pierre à l’édifice permettant d’instiller au moins le doute voire plus auprès de ceux qui sont séduits par les idées d’extrême droite. Nous défendrons ainsi les valeurs de la république, celles des services publics en somme…

Développer la médiation documentaire numérique en bibliothèques

couverture Développer la médiation documentaire numérique
couverture de la boite à outils: Développer la médiation documentaire numérique

J’ai le plaisir de vous annoncer la parution aux presses de l’Enssib d’un livre sur la médiation documentaire numérique. L’école m’a fait l’honneur de m’en confier la coordination et même si ce ne fut pas une mince affaire, l’entreprise fût passionnante non seulement dans la réflexion sur son contenu mais aussi grâce aux échanges avec les différents auteurs sans compter la phase de relecture. J’en profite pour adresser un remerciement à tous les contributeurs et je remercie tout particulièrement Catherine Jackson, coordinatrice de la collection, avec qui la collaboration fût exemplaire. Cet ouvrage fût aussi l’occasion pour l’Enssib de retravailler sur ces contrats d’édition qui sont maintenant plus en phase avec les évolutions numériques.

Dans le cadre ses 20 ans de l’école, ce livre donne aussi lieu à une version numérique accessible ici librement en streaming. Vous pouvez commenter chaque article. En complément de la version papier, vous y trouverez un entretien avec Michel Fingerhut à propos des moyens de médiation numérique mis en oeuvre sur le portail de la musique contemporaine. Il est probable que chaque auteur publie aussi en ligne sur son site ou sur son blog sa propre contribution. Les 3 miennes seront mises en ligne progressivement sur ce blog.

Présentation

Depuis quelques années les bibliothèques ne cessent de prendre place sur internet: catalogues en ligne, sites web devenant peu à peu des portails de services, blogs et tous les avatars du web participatif ainsi que les réseaux sociaux. Si l’objectif est bien d’être présent dans l’univers numérique des usagers existants ou potentiels, en revanche les bibliothèques doivent garder leur spécificité sous peine d’être noyées dans le flot général. Il s’agit notamment de transposer en ligne la médiation documentaire, c’est à dire tous les moyens que nous mettons en œuvre pour favoriser la rencontre d’un lecteur avec les documents susceptibles de l’intéresser ou de lui ouvrir de nouveaux horizons.

Cet ouvrage réunit une dizaine d’auteurs d’horizons divers (universitaire, bibliothécaire et libraire) pour vous donner d’une part un cadre général sur la médiation documentaire numérique et d’autre part des exemples destinés à vous servir d’inspiration pour améliorer ou vous lancer dans ce domaine.

Sommaire

Partie I – Le périmètre de la médiation numérique documentaire

-La médiation numérique dans le cadre d’une politique documentaire raisonnée : l’exemple de la MIOP, par Jérôme Pouchol
-Définition et enjeux de la médiation numérique documentaire, par Isabelle Fabre et Cécile Gardiès
-La médiation documentaire numérique dans les musées: entre autonomie et prescription par Genevieve Vidal
-A propos de Bibliomab, une approche de la médiation documentaire numérique du patrimoine, par Léo Mabmacien
-Médiation documentaire et les services de Q/R, Claire Nguyen

Partie II – Construire son projet de médiation numérique documentaire

– Définir son projet: 5 étapes incontournables, par Franck Queyraud
– Construire la médiation documentaire par les publics: les portails thématiques de l’Infothèque, par V. Mesguich
– Scénariser le catalogue et contextualiser les recherches : la librairie en ligne Bibliosurf, Par Bernard Strainchamps
– Eléments pour une évaluation de la médiation documentaire numérique, X Galaup

Partie III – Se former et accompagner les équipes
-Inclure la médiation documentaire numérique dans le travail d’équipe, par Didier Desmottes
-Acquérir une culture numérique et utiliser les outils de médiation, par Thomas Chaimbault
-Concevoir et faire fonctionner un blog de bibliothèque : quelques pistes concrètes à partir de l’exemple du Buboblog Perrine Helly
-CherMédia : l’agora des bibliothécaires du Cher, par Christine Perrichon
-Le magazine en ligne des bibliothèques de Lyon : Points d’Actu !, une voix singulière  Bertrand Calenge

Partie IV – Interagir en ligne, produire des contenus, partager

-Silence on joue!: Le médiateur, les jeux vidéo et les ressources documentaires, par Julien Devriendt
-Les Coups de cœur 2.0 de la Médiathèque de Quimperlé, par Pascal Thibault
-Exemple d’un netvibes thématique en médecine Marie-Gabrielle Chautard
-Mise en valeur d’un fonds patrimonial autour du centenaire de Jean Carbonnier (1908-2003), doyen de la Faculté de droit de Paris, fondateur de la sociologie juridique / Noelle Balley et de Sébastien Dalmon
-Utiliser les réseaux sociaux littéraires pour la médiation documentaire numérique, par Alexandre Lemaire
-Critiques de documents dans un catalogue participatif, par Philippe Diaz

MEMENTO, Par Xavier Galaup

Streaming musical des bibliothèques en Alsace

Notes de musique lumineuses sur fond noir
Music Note Bokeh (photo sous licence CC. By-nc-pa All that improbable Blue http://www.flickr.com/photos/allthatimprobableblue/)

Voici un an que UMMA (Univers Musical des Médiathèques Alsaciennes), l’expérimentation du streaming musical en bibliothèques commençait en Alsace. Voir ici et ici les billets précédents pour suivre le déroulement. Les deux BDP du Bas-Rhin et Haut-Rhin ouvraient en mai 2010 leur sous-domaine musicMe. Nous menons pendant ce mois de juin une enquête qualitative auprès de 650 inscrits au service sur les deux plateformes. Cela fera l’objet d’un prochain billet dès que celle-ci sera dépouillée.

La BM de Mulhouse a ouvert en mars 2011 son sous-domaine et dépassait début mai les 140 inscrits. Les Médiathèques de la Communauté Urbaine de Strasbourg devraient ouvrir leur site de streaming d’ici septembre au plus tard.

Comme je l’annonçais dans un précédent article l’expérience est très positive non seulement en terme de nombre d’inscrits mais de l’utilisation des sous-domaines par les usagers. Sur 45 000 écoutes de mai à décembre 2010; le nombre d’écoutes intégrales de morceaux est à peine supérieur au nombre d’écoute des radios programmés par les bibliothécaires musicaux. Ce qui prouve que quand on s’investit dans la médiation documentaire numérique l’internaute répond présent. En effet l’écoute de radios est d’autant plus forte qu’on les renouvelle très régulièrement comme sur mediason67 avec une radio commune et une radio par bibliothèques chaque mois.

Selon les analyses de musicMe, les inscrits dans sous-domaine de bibliothèques restent plus longtemps à écouter de la musique que sur leur propre site tout public.

Nous avons pu constater des usages complémentaires de ceux prévus lors d’une réunion du comité de suivi: de la diffusion de radios ou d’albums dans les locaux de la bibliothèque à l’utilisation en formation en passant par la médiation informelle entre un bibliothécaire et un usager à la banque de prêt. En outre la programmation de radio permet et oblige à approfondir ses connaissances musicales quand on souhaite programmer 80 titres sur un thème mais que tout ce que l’on connaît n’est pas forcément disponible sur musicMe.

La volonté a émergé aussi de rassembler en un endroit l’ensemble des radios réalisées sur trois sous-domaines, et bientôt quatre. Une page Facebook, MusiK’heim, sera créée à cet effet. Venez découvrir et nous écouter sans limite…

Nous allons d’ailleurs ajouter une nouvelle brique expérimentale à l’automne 2011 en proposant aux usagers inscrits de créer leur propre radio. Il s’agira de créer des radios festives qui seront mises en ligne en décembre… A suivre.

Enfin pour mettre en valeur les groupes locaux, nous avons décidé d’organiser un festival UMMA à l’automne 2012 avec l’idée d’augmenter d’ici là la présence de ces groupes sur nos plateformes afin de créer des Unes et de programmer des radios à cette occasion.

Cette première année de fonctionnement et le dialogue permanent avec musicMe sur différentes hypothèses a permis de dégager un nouveau modèle économique qui n’est plus celui du paiement pour chaque écoute mais un modèle forfaitaire, c’est à dire tout frais compris (abonnement, radios, écoute illimitée, webservice pour intégrer un player dans un catalogue ou un portail compatible), basé sur le nombre d’inscrits à la plateforme. Cette approche est en adéquation avec les exigences des collectivités locales puisqu’elle permet de prévoir et de tenir un budget tout en tenant compte de la réalité des pratiques numériques constatées.

Dans cette perspective, l’ensemble des partenaires du projet UMMA sont décidés à continuer avec musicMe en 2012, sous réserve des incontournables procédures d’appel d’offre, après la fin de la phase d’expérimentation.

Je dirais pour conclure que dans le développement des ressources numériques les bibliothèques ont tout intérêt à avoir une approche pragmatique plutôt que de vouloir à priori imposer leur modèle d’acquisitions. Je me souviens très bien des réticences et des critiques reçues dans ce domaine lors du lancement et de la période de conviction des bibliothécaires. Je force le trait de ce que j’ai entendu ou de ce qu’on m’a écrit « le paiement à chaque écoute est de la folie, si le service marche vous allez exploser le budget. C’est un saut dans le vide… ». Le jour où la fréquentation d’une ressource numérique en bibliothèque fera exploser la fréquentation et donc ici le budget nous pourrons crier victoire… L’attribution de la subvention par le Ministère de la Culture a rassuré l’ensemble des partenaires en région et nous a permis de continuer l’expérience à une bonne échelle. De fait, l’intérêt et la fréquentation sont en rendez-vous avec une montée en puissance progressive. Cela a donné du temps pour nous et pour notre fournisseur d’affiner le modèle économique.

 

Manifeste: la musique a toute sa place en bibliothèque

L’ACIM (Association pour la Coopération des professionnels de l’Information Musicale) publie un texte rappelant les enjeux de la musique en bibliothèque. Celui-ci est reproduit sur différents blogs du groupe Bibliothèques Hybrides de l’ABF:

Musique et mémoire (avec l'aimable autorisation de l'auteur du collage http://isartpostal.aminus3.com/image/2009-12-07.html)

Le défunt Conseil Supérieur des Bibliothèques avait constaté dans ses différents rapports que la place de la musique était encore insuffisante dans les bibliothèques. Alors même que cette situation perdure globalement, la musique en bibliothèque est aujourd’hui fragilisée par la baisse des prêts, le développement de l’écoute et du téléchargement en ligne. C’est ainsi que plusieurs nouvelles médiathèques ont ouvert récemment sans présenter la totalité de la documentation musicale (livres, partitions, dvd et disques compacts) voire sans musique.

Ce choix nous semble une grave erreur car l’offre musicale en bibliothèque ne saurait se résumer à une borne de téléchargement ou à une ressource en ligne. Si la place du support CD pourrait être amenée à se réduire à moyen terme, sa présence reste pour l’instant la meilleure manière de matérialiser dans nos locaux une offre musicale hybride, c’est à dire mélangeant collections physiques et collections dématérialisées.

Renoncer à la musique en bibliothèque reviendrait à l’abandonner aux acteurs du secteur marchand qui n’ont pas le souci de la diversité et de la pérennité des œuvres musicales. Tout n’est pas sur le net et tout n’y est pas visible. Malgré son apparente abondance (plus de 7 à 8 millions de titres annoncés sur des plateformes de streaming), l’offre de musique en ligne reste lacunaire dès lors que l’on sort des musiques de consommation courante.

La musique représente une pratique culturelle majeure dans nos sociétés au même titre que la littérature ou le cinéma. Or les pratiques culturelles ne sont pas étanches. Renoncer à la musique en bibliothèque risquerait aussi, en supprimant des passerelles entre elles, de remettre en cause, pour un public éclectique, l’intérêt pour les collections de littérature et de cinéma.

Rappelons à ce propos l’article 7 de la Charte des bibliothèques qui stipule que : « Les collections des bibliothèques des collectivités publiques doivent être représentatives, chacune à son niveau ou dans sa spécialité, de l’ensemble des connaissances, des courants d’opinion et des productions éditoriales. »

Enfin il nous semble important que les médiathèques continuent de jouer un rôle prépondérant dans le développement de la culture musicale à l’aide d’une offre documentaire large mais aussi de concerts et d’animations sous quelque forme que ce soit (conférences, ateliers de créations musicales, etc.). Dans certains territoires, la médiathèque est le seul point d’accès non marchand à la musique.

En accompagnant ces nouvelles pratiques, les bibliothèques ont un rôle important à jouer dans le domaine de l’éducation et la culture musicale du public, notamment pour les nouvelles générations.

A diffuser et débattre largement.

Les mutations vécues par la musique tant dans sa production que dans sa diffusion via internet concernant maintenant l’ensemble des secteurs documentaires en bibliothèque. Plutôt que de céder à la tentation de faire disparaître la musique en bibliothèque, réfléchissons ensemble pour inventer la médiathèque de demain.

Quelques échos hors de la sphère des bibliothèques sur le site PC Inpact (Merci à Nil Sanyas):

Vers la fin de la musique dans les bibliothèques ?

« la place du CD est remise en cause » en médiathèque

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