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À partir d’avant-hierXG_BlogNotes

Transition écologique en bibliothèque : faire notre révolution copernicienne

28 septembre 2022 à 14:42
Photo d’Alan Rodriguez on Unsplash

Les rapports du GIEC (voir cette synthèse parmi d’autres) et la multiplication des publications (livres et films documentaires) nous ont alertés et plus que sensibiliser à la question du changement climatique, essentiellement un réchauffement.

Les bibliothèques se sont plutôt bien emparées du sujet en achetant des livres, en initiant des actions vertueuses (fin des gobelets en plastique, tote bag, …), en programmant des expositions, des conférences ou des rencontres, et même en interrogeant le travail interne.

Les événements de l’été et l’entrée plus prégnante de cette question dans l’agenda politique national ou local nous engagent à passer la vitesse supérieure.

À cet égard, il me semble que TOUT doit être (re)pensé en utilisant les prismes suivants : limiter notre impact sur la planète, favoriser la biodiversité et “réencastrer l’humain dans la nature” comme le dit Dominique Méda (revue We Demain n°39)

Il ne s’agit pas seulement de renforcer nos actions voire d’en déployer de nouvelles pour informer, sensibiliser et induire de nouveaux comportements auprès des habitants de nos territoires. Il ne s’agit pas uniquement d’être plus vertueux en interne (mobilité, plastification des documents, conception des expositions, …).

Nous devons acquérir comme réflexe de penser chaque action ou activité de la bibliothèque avec ce prisme de sauvegarder la planète.

Journée départementale de la lecture publique consacrée aux bibliothèques vertes en Ille et Vilaine
Sophie Sorel-Giffo

Quelques exemples :
– Faut-il plastifier tout ou partie des documents ? Selon la taille de votre bibliothèque et le nombre des prêts peut-être pas du tout.
– Faut-il faire venir un comédien, un conteur ou un groupe de musique de l’autre bout de la France pour une ou deux représentations ? Pourquoi ne pas penser davantage “tournées” avec les bibliothèques voisines ?
– Créer une exposition en pensant à sa réutilisation et/ou son recyclage ?
– Les navettes transportants les documents sur un réseau, faut-il garder le même rythme ? Mettre en place une alternative en mobilité douce (vélo-cargo) quand c’est possible ?
– Faut-il n’acheter que des livres neufs ? Pourquoi pas acheter des livres d’occasion dans certains cas ?
– Tous les postes informatiques de la bibliothèque, en particulier ceux destinés au public, doivent-ils être allumés tout le temps ? Sont-ils encore tous utiles ?
– Faut-il encore donner ou vendre des tote bags et autres goodies ?
– Quel équilibre quantitatif et qualitatif pour notre communication papier et numérique ? Et pourquoi pas un petit message pédagogique dans nos affiches et flyers (imprimés au plus près des besoins) “venez à pied, à vélo ou en transports en commun” (quand toutes les options sont possibles et réalistes pour notre structure) ?

Avant d’obtenir d’importants travaux de rénovation si c’est nécessaire, il y a certainement des premières améliorations simples à mener sur nos bâtiments avec les services techniques pour limiter les pertes énergétiques et autres nuisances à l’environnement.

C’est une révolution copernicienne vitale. Avoir une vision systémique des évolutions à mener est incontournable et prendra du temps à se mettre en place, mais elle est indispensable.

À nous de nous en saisir au plus vite et de prouver que les bibliothèques peuvent être des acteurs de la transition écologique !


Tentative d’épuisement des boites à livres

29 juillet 2022 à 11:40

La boite à livres : quelle (fausse) bonne idée!

Les boites à livres sont un sujet qui fâche de nombreux bibliothécaires, qui irrite et qui agace la profession… nous avons l’impression que certains décideurs (élus, direction générale, direction de la culture, direction de la communication, …) veulent remplacer la création d’une bibliothèque voire substituer la bibliothèque existante, qui ne veut pas ouvrir 24 h sur 24, par ce mobilier urbain si peu coûteux et si séduisant au premier abord.

En effet, la boite à livre est l’archétype de la fausse bonne idée, car elle semble avoir des nombreuses qualités :

– mobilier peu coûteux même si on essaie de faire un mobilier beau et visible.
– quasiment pas d’entretien. Un petit coup de peinture de temps en temps
– fonctionne en autonomie et sans budget de fonctionnement : les habitants déposent leurs livres et prennent ce qui les intéressent pour les ramener ou pas. Pas de personnel et pas de logiciels pour enregistrer les prêts. Pas de budget pour acheter des livres
– cerise sur le gâteau : la boite à livre, c’est de l’économie circulaire, du circuit court, du local et du développement durable. La boîte à livres favorise l’échange d’objets à durée de vie réduite.

La boite à livre, c’est le mal absolu ! Ce n’est pas une bibliothèque !

Piqué au vif et attaqué sur l’aile de sa reconnaissance professionnelle, le bibliothécaire ronchon déroule alors ses arguments contre la boite à livres :

– le choix est restreint : beaucoup de fictions et rarement des nouveautés. Peu de documentaires et de revues.
il n’y a que des livres laids et obsolètes. De nombreux habitants y déversent le grenier de leurs grands-parents avec des livres en mauvais état, des reliures très laides type Club du livre, des poches aux pages jaunies, des documents dépassés (Guide Juridique, dictionnaires ou Vidal des années 50, Encyclopédie en plusieurs volumes…), des livres jeunesse gnangnan (certains auraient même vu des albums de Martine, mais ils ne sont plus là pour témoigner, car ils ont été victimes d’un des monstres de Lovecraft connus pour fréquenter régulièrement les boites à livres.), des revues à moitié déchirées, des annales du bac des années 1980, etc. Dans le meilleur des cas, nous y trouvons des classiques de la littérature dans des éditions un peu défraîchies ou des livres récents (de 1 à 5 ans) en état correct. Tout cela parce qu’on ne jette pas des livres, c’est sacré !


– le risque d’y trouver des ouvrages sectaires ou de sciences parallèles, des prospectus commerciaux en tout genre
le choix n’est pas stable, et même si nous avons vu un livre susceptible de nous intéresser, nous ne sommes pas sûrs de l’y retrouver la prochaine fois, alors qu’en bibliothèque, on peut réserver !
– le choix dépend beaucoup des dons et peut très bien ne pas changer pendant des mois. Le lecteur flâneur peut finir pas se lasser de ne rien trouver de nouveau. Parfois la boite est peu remplie et il ne reste que des livres en mauvais état ou très vieux. Parfois, la boite déborde, mais on n’y trouve quand même rien d’intéressant pour-soi.
– etc. j’en oublie certainement.

Tout cela est juste et logique, car une boite à livre n’est pas une bibliothèque… Voilà le problème majeur qui nous agace fortement, la boite à livres ramène la bibliothèque à une simple collection de livres alors qu’elle est bien plus.

Comme le dit si bien la Loi de la sénatrice Sylvie Robert :

“Les bibliothèques (…) ont pour missions de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ainsi que de favoriser le développement de la lecture.

A ce titre, elles :

1/Constituent, conservent et communiquent des collections de documents et d’objets, définies à l’article 4, sous forme physique ou numérique ;

2/ Conçoivent et mettent en œuvre des services, des activités et des outils associés à leurs missions ou à leurs collections. Elles en facilitent l’accès aux personnes en situation de handicap. Elles contribuent à la réduction de l’illettrisme et de l’illectronisme. Par leur action de médiation, elles garantissent la participation et la diversification des publics et l’exercice de leurs droits culturels ;

(…)

Les bibliothèques transmettent également aux générations futures le patrimoine qu’elles conservent. A ce titre, elles contribuent aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu’à leur diffusion.

Ces missions s’exercent dans le respect des principes de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, d’égalité d’accès au service public et de mutabilité et de neutralité du service public.”


Je m’arrête là, il y aurait tant à dire.

Laissons les boites à livres aux romantiques et continuons à rendre crédibles nos bibliothèques comme lieu de partage, d’animation et d’ouverture sur le monde.

Arrêtons d’essayer de lutter contre les boites à livres ou de vouloir les éliminer, laissons les vivre et mourir (comme dirait James Bond) ou au pire vivoter. Si nous en avons la responsabilité, faisons-en un outil attrayant avec un choix sérieux et large. De toute façon il sera forcément moins large, moins diversifié et moins pérenne qu’une bibliothèque.

Utilisons plutôt notre énergie pour faire de l’advocacy en faveur des bibliothèques dont les collections sont choisies, organisées, éclectiques ou diversifiés et stables à moyen ou long terme.

Mais surtout, les bibliothèques sont bien plus qu’une collection, mais un lieu de vie, de partage, de découverte, d’animations, d’apprentissage, d’accès au numérique, d’éducation, d’échanges intergénérationnels… vers l’infini et au-delà.

Prélude à l’évolution des bibliothèques dans un monde complexe

28 novembre 2015 à 10:35

Complexité
Photo CC PhOtOnQuAnTiQuE https://www.flickr.com/photos/photonquantique/

J’ai été invité le 26 novembre 2015 à Rennes comme grand témoin de la journée d’étude suivante:

Bibliothèques et numérique : vers des espaces de création et de participation
Une part importante du savoir et de la connaissance circule maintenant sur le Web. Les bibliothécaires expérimentent les offres électroniques et ont imaginé des dispositifs de médiation pour valoriser ces ressources souvent mal identifiées. L’influence des technologies tend donc à prendre de nouvelles formes en bibliothèque, accompagnant ainsi le mouvement de fond que les usages du numérique provoquent depuis maintenant 30 ans.

« BiBlio and co », pour une innovation ouverte !
Avec l’éclosion de la culture « maker », et à l’heure des « FabLab » et des « Biblioremix », les pratiques participatives réinvestissent les espaces physiques, encourageant ainsi la création et l’expression. De nouvelles tendances se dessinent pour procurer des améliorations ou des services supplémentaires. Multiplier les dispositifs interactifs et stimuler l’expression permet certes d’attirer et de fidéliser les publics. Mais les pratiques numériques et participatives apparaissent aussi comme une occasion de « faire avec » les publics, et de réfléchir aux nouvelles formes de transmission de la culture.
Au-delà de ces questions pratiques, et à l’heure de la question de l’utilité même des médiathèques au XXIe siècle, c’est bien l’enjeu de la place de la bibliothèque à l’horizon de la Ville intelligente (Smart City) qui sera posée lors de cette journée.

voir le programme ici

Une très belle journée d’étude qui alliait Forum de projets et ateliers le matin avec une partie plus théorique l’après-midi.Après une synthèse participative des ateliers du matin (avec la technique éprouvée des post-it proposée par Eric 😉 ), j’ai fait une mise en perspective. Pour prendre un peu de hauteur, il s’agit d’une première approche pour transposer aux bibliothèques la notion de complexité et de pensée systémique chère à Edgar Morin. Cela donnera lieu à d’autres textes plus développés dans de prochains billets.Je vous copie ci-dessous le plan de mon intervention pour laquelle je n’ai pas fait de diaporama.Co-production de la politique culturelle avec le territoire : Dépasser une culture de l’offre… documentaires et de services

  • Croiser les regards avec tous les acteurs du territoire
    • Question collective à se poser avec tous les acteurs concernés pour croiser les regards et sortir d’un point de vue biblio centré: 

« quel effet, quel impact, quelles objectifs sur le territoire du point de vue culturelle, éducatif et social »

    • coproduire et coopérer avec les acteurs du terrain pour réfléchir, embrasser toutes les problématiques, fixer des choix communs et y travailler ensemble
  • la politique culturelle ne doit pas être le seul apanage des acteurs culturels
  • le concept de ville intelligente est peut-être réducteur, parlons plutôt de la société intelligente capable de s’auto-eco-réorganiser dans un monde complexe
  • plus que faire avec les publics, c’est créer les conditions d’une coproduction et de la manière de contribuer collectivement aux évolutions culturelles, éducatives et sociétales du territoire dans lequel nous sommes
 

Pour le créateur de la Kao Compagnie, société de cosmétiques et de produits d’entretien, le but de l’entreprise n’est pas d’augmenter ses profits ou de prendre des parts de marché à ses concurrents, mais de créer de la connaissance pour ses usagers !

  • nécessite de partager avec les acteurs du territoire ce qu’est une bibliothèque, la culture et contribuer collectivement à faire évoluer la vision de la bibliothèque et ses enjeux
  • Un projet n’a de sens que s’il a du soutien
  • Changer de modèle et cultiver l’intelligence collective dans nos organisations
 Révolution à la Secu Belge: l’autonomie, le management au résultat, la liberté dans l’organisation du travail au bureau et à la maison + une expérience de cooptation.
Pour les bibliothèques, il me semble que les enjeux dans un monde complexe et mouvant sont de deux ordres:
  • contribuer à d’autres politiques que la seule lecture publique et s’insérer de manière plus globale dans la vie de son territoire mais pas seulement avec du partenariat
  • faire comprendre de manière le plus intime possible ce qu’est une bibliothèque aux acteurs, y compris les usagers, et leur permettre de contribuer à celle-ci.

Voir le live tweet #ChignonBzh

J’ai conscience que le plan peu paraître un peu sec mais d’autres explications sont à venir et je le partage pour les participants à la journée d’étude.

N’hésitez pas à compléter et à questionner.

Pour un engagement politique des bibliothèques

4 juin 2012 à 18:49

(contribution au Congrès ABF 2012: La Bibliothèque, une affaire publique)

Panneau Danger
photo Joelk75 http://www.flickr.com/photos/75001512@N00/

Les résultats du premier tour des élections présidentielles 2012 confirment un enracinement et une diffusion géographique du vote d’extrême droite. Il ne faut pas se voiler la face en prétextant un vote protestataire, j’ai la conviction que nous sommes dans un vote d’adhésion aux discours simplistes et démagogiques.

Les médias, en particulier la télévision, survolent et schématisent beaucoup de sujets de sociétés importants. Les faits divers s’enchaînent pour maintenir ce sentiment d’insécurité si subjectif et si difficile à contrer avec des arguments rationnels sur la baisse mathématique des crimes et des délits violents… Les difficultés et les peurs (emploi, déclassement,…) liées à la crise économique font chercher des boucs émissaires et facilitent l’adhésion à des solutions caricaturales…

Il me semble urgent et vital que les bibliothèques deviennent un lieu de parole et de débat. Il s’agit de mettre en perspective un sujet politique, d’apporter avec pédagogie une profondeur de réflexion face au temps court des médias et surtout de favoriser l’expression des idées de chacun même si cela ne sera jamais simple à gérer.

[auto-promo] Je voudrais à ce sujet témoigner de la réussite d’une animation de la Médiathèque Départementale du Haut-Rhin organisée depuis 3 ans. Nous avons successivement abordé la biodiversité, l’énergie et le sexe. Dès la première édition l’écho a été important auprès du public tant au niveau de la fréquentation que des retours qualitatifs (satisfaction sur les informations et sur l’espace de débat,…). La dernière édition sur le sexe a pulvérisé tout nos records et l’écho dans la presse locale est positif et inattendu… voir le bilan ici. Nous constatons aussi une fidélité qui s’installe d’édition en édition et quelques personnes assistent à plusieurs soirées d’une même édition. “On vient à différentes soirées car on sait que cela sera bien”… [/auto-promo]

Il nous faut bien sûr d’abord convaincre les directeurs généraux et les élus d’aborder certaines questions. Il pourrait refuser par crainte de choquer des électeurs potentiels. A nous d’être persuasif, convaincant et persévérant. L’idéal serait de les associer au contenu et à la manifestation elle-même…

Ensuite l’enjeu est de dépasser le public habituel des bibliothèques, les CSP+, afin de semer une graine permettant de faire germer des doutes face au populisme. Même si tous les publics visés ne se déplacent pas, un titre provocateur ou donnant un point de vue comme “Trop d’étrangers en France: vérité ou foutaise?” et des comptes-rendus bien fait dans la presse locale pourrait être une bonne stratégie. Pourquoi pas une synthèse de livres parus sur l’insécurité dans le journal de notre collectivité? Il y a certainement d’autres idées à partager dans ce domaine. Là où l’exercice sera difficile, c’est d’avoir un point de vue afin d’ouvrir le débat mais de ne pas pouvoir être trop facilement taxé d’une approche partisane…

Mais il me semble bien qu’il n’y ait pas d’alternatives si nous voulons pouvoir nous regarder dans une glace dans 5 ans. Alors prenons des risques, ne nous contentons plus de consensuelles soirées littéraires, contées ou d’ateliers scientifiques mais prenons à bras le corps des sujets de société et osons le débat car je suis persuadé que les citoyens sont demandeurs. Apportons notre pierre à l’édifice permettant d’instiller au moins le doute voire plus auprès de ceux qui sont séduits par les idées d’extrême droite. Nous défendrons ainsi les valeurs de la république, celles des services publics en somme…

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